Comme promis, après deux semaines de propos critiques envers l’homéopathie, je vais à présent lui lancer quelques fleurs. Mais je vais également conclure cette « trilogie » en répondant à l’avalanche de courriel qui a suivi les deux premiers épisodes. Il m’est en effet impossible de répondre individuellement à toutes les personnes qui m’ont écrit, et je vais profiter de cette troisième et ultime infolettre hebdomadaire consacrée à la médecine hahnemanienne pour formuler une réponse collective et justifier pourquoi je persiste dans mon scepticisme, ainsi que dans une relative hostilité. Commençons cependant par les compliments.
En guise de premier hommage, je vais simplement reprendre les données d’un sondage qui a été effectué en Belgique à la demande des Laboratoires Boiron et qui vient d’être dévoilé. Selon cette enquête, qui est la réplique exacte d’un sondage réalisé deux ans auparavant, le pourcentage d’utilisateurs de l’homéopathie est passé de 50 % à 69 % , soit une progression de 19 % ! De toute évidence, les petits granules n’ont jamais été aussi populaires qu’aujourd’hui. Mais ce n’est pas le succès que j’applaudis, c’est sa raison majeure : les personnes sondées ont en effet répondu que le caractère naturel de cette médecine était ce qui les séduisait le plus. Pour la population belge, c’est l’absence d’effets secondaires qui constitue le plus gros atout des médicaments homéo. Au deuxième rang de leurs motivations, les gens interrogés ont cité leur souhait d’éviter les médicaments chimiques, ce qui revient à dire quasiment la même chose d’une autre manière. Il est donc clair que l’engouement pour l’homéopathie traduit un désir de se soigner moins chimiquement et plus écologiquement. Et c’est bien pour cela que je dis bravo ! Il y a deux semaines, je regrettais que les médecins homéopathes négligent trop souvent la consigne hippocratique de considérer l’alimentation comme la première des médications. Mais ce que je leur reconnais volontiers, c’est leur fidélité à un autre conseil adressé par Hippocrate, celui de ne d’abord pas nuire (primum non nocere ) à l’individu qui les consulte. Il est bien connu que les patients soignés en homéopathie consomment beaucoup moins de médicaments, et notamment d’antibiotiques. Il est notoire également que les disciples d’Hahnemann sont souvent peu enclins à vanter les vaccins. Parmi les médecins partisans de la liberté vaccinale, il est rare d’en trouver un qui ne soit pas un praticien homéopathe. C’est aussi cette catégorie de docteurs qui prescrit le moins d’examens à risques, de dépistages inutiles et de protocoles de soins agressifs. Bref, l’homéopathie s’appuie largement sur la « Natura medicatrix » chère aux Anciens, et c’est ce qui me la rend plutôt sympathique.
Ce qui m’enchante également dans cette discipline, c’est qu’elle exige forcément une large ouverture d’esprit. Pour concevoir que de hautes dilutions puissent avoir une action en l’absence de toute molécule de principe actif, il faut immanquablement prendre ses distances avec une vision matérialiste de la vie et un vision mécaniste de l’être humain. Pour pratiquer cet art de guérir, il faut nécessairement dépasser le seul traitement des symptômes, en chercher la cause et envisager le patient dans sa globalité corps & âme. Ce n’est pas un hasard si les homéopathes sont aussi les plus ouverts aux autres médecines douces, aux approches holistiques, aux démarches spirituelles et aux développements de la médecine psychosomatique. C’est particulièrement vrai pour des disciplines comme la médecine nouvelle du Dr Ryke Geerd Hamer ou la biologie totale du Dr Claude Sabbah : à ma connaissance, tous les médecins qui ont pris la peine de s’y intéresser, de les apprendre et/ou de les enseigner étaient et/ou sont encore des homéopathes. C’est d’ailleurs grâce à un ami homéopathe que j’ai rencontré il y a 25 ans le Dr Hamer et que j’ai vu ce dernier accomplir l’exploit de diagnostiquer des cancers corporels sur la seule base de scanners cérébraux (relire à ce sujet les éditoriaux de la revue Néosanté, numéro 9 et numéro 10). Ma vie a basculé ce jour-là et je le dois, en définitive, à Samuel à Hahnemann. Si celui-ci n’était pas entré en dissidence avec la médecine de son temps et si beaucoup ne l’avaient pas imité depuis deux siècles, jamais les découvertes hamériennes n’auraient fait parler d’elles. Je rends donc grâce à l’homéopathie d’être un excellent terreau intellectuel pour l’éclosion de grandes révolutions.
Ma troisième couronne de lauriers, je la décernerais à l’homéopathie pour son … efficacité. Ce n’est pas du tout une contradiction de ma part, c’est au contraire une précision que j’avais donnée d’emblée : je suis intimement convaincu que la médecine des semblables génère de nombreuses et authentiques guérisons. Je n’ai pas de doute que les nombreux lecteurs qui m’ont fait part de leurs expériences positives sont parfaitement sincères et qu’ils ont tiré grand bénéfice de leurs recours aux granules. Certes, comme je l’ai écrit il y a 15 jours, mon cerveau gauche n’est pas encore prêt à admettre le lien de cause à effet entre l’absorption d’une boule de sucre, fût-elle dynamisée, et un processus curatif. Certes encore, comme je le relatais la semaine dernière, mon expérience personnelle avec l’homéopathie est-elle très décevante. Mais je ne remets pas du tout en cause le fait que d’autres que moi, soit des millions de gens, en tirent entière satisfaction. Et comme cette médecine est incontestablement efficace, je fais partie de ceux qui défendent sa pleine reconnaissance. C’est paradoxal dans mon chef, mais ce n’est pas contradictoire. Pour moi, la liberté de choisir son thérapeute et sa voie thérapeutique est un principe fondamental que devraient consacrer toutes les lois et tous les règlements.
La dernière raison pour laquelle l’homéopathie conserve ma sympathie, c’est que je suis peut-être injuste à son égard. Pour moi, le secret de son efficacité est à rechercher dans le seul effet placebo, lequel est décuplé par l’écoute du patient et par le côté un peu magique de la thérapie. Mais je laisse la porte ouverte à d’autres explications et je me réserve le droit d’avouer un jour m’être magistralement trompé. Ceux qui avancent des concepts énergétiques, informationnels ou quantiques pour expliquer l’homéopathie ont également tout mon respect. Les frontières de la science sont faites pour être franchies et son histoire est pleine de théories ridiculisées avant d’être admises. Je ne suis donc pas fermé à l’hypothèse que mon besoin de rationalité m’aveugle et que je passe à côté d’une vraie médecine de pointe qui m’en mettra plein la vue à l’avenir. Mais alors, direz-vous, pourquoi lui avoir décoché des flèches et pourquoi nourrir à son endroit une telle défiance ? En voici les 7 raisons principales. Certaines sont des redites des articles précédents, d’autres m’ont été inspirées par l’abondant courriel reçu depuis deux semaines.
1) L’homéopathie manque de preuves
Malgré ma demande de ne pas m’abreuver en récits de guérison et de ne m’écrire que pour m’indiquer des études scientifiques validant l’homéopathie sur base d’essais cliniques en double aveugle contre placebo, c’est le contraire qui s’est produit : j’ai reçu beaucoup de témoignages, mais pas une seule référence répondant à ces critères. À une exception près : une étude qui montrerait qu’un remède absorbé par des personnes en bonne santé provoque les symptômes typiques de ce remède, ce que les connaisseurs appellent le « proving ». Hélas, on s’aperçoit très vite que cette étude en double aveugle contre placebo n’en est pas une puisque les expérimentateurs participent à la classification des symptômes et donc influencent le résultat. Contrairement à une accusation qui m’a été faite plusieurs fois, je suis parfaitement disposé à me laisser convaincre. Encore faut-il recevoir des preuves… convaincantes.
2) L’homéopathie est souvent inefficace
A défaut de données scientifiques, j’ai donc reçu beaucoup de récits de réussite avec l’homéopathie. Mais une chose m’a frappé : même les personnes les plus enthousiastes m’ont également confié avoir connu de nombreux échecs. Je suis loin d’être le seul pour lequel l’homéopathie s’est avérée impuissante à résoudre des problèmes de santé ! Bien sûr, on peut incriminer le praticien formé à mauvaise école, les dérives d’une homéopathie de moins en moins uniciste, la difficulté de trouver le bon remède, etc. Mais il ressort de vos messages que l’homéopathie est très souvent inefficace. De cette fréquente inefficacité, je trouve qu’on ne parle pas assez.
3) L’homéopathie éclipse la naturopathie
Si elle est parfois efficace, notamment sur les otites de la petite enfance, c’est surtout parce que l’homéopathie est, à mon sens, une « rien-du-tout-thérapie ». Or, ne pas intervenir intempestivement et laisser faire la nature, c’est le premier fondement la naturopathie traditionnelle telle qu’elle s’est crée avec Hippocrate et qu’elle s’est réinventée en Occident au XXème siècle. Le deuxième pilier de cette approche, c’est le recours aux « facteurs naturels de santé » que sont l’alimentation saine, l’eau, l’air pur, la terre (l’argile), la lumière ( le soleil), et l’exercice physique. Je regrette pour ma part que cette médecine non conventionnelle soit si peu connue et reconnue alors que l’homéopathie jouit d’une énorme popularité. En déclarant que je n’aimais pas (trop) l’homéopathie, j’avais surtout à coeur de promouvoir la naturopathie, en suggérant que l’efficience de la première pouvait en réalité être attribuée à la seconde. Je suis heureux d’avoir lu pas mal de messages qui approuvaient cette opinion.
4) L’homéopathie est une bobothérapie
Parmi mes correspondant(e)s, plusieurs m’ont tancé sur ce point : d’après eux, l’homéopathie est également opérante pour les maladies graves comme le sida ou le cancer. On a attiré mon attention sur la situation de l’Inde, un pays où l’homéopathie ne craint pas d’afficher de très hautes ambitions thérapeutiques et où les succès sont, paraît-il, légion. Le problème, encore une fois, est que les prétentions indiennes ne s’appuient apparemment que sur des listes de cas cliniques, et non sur des études méthodologiquement satisfaisantes. Si elles existent, je veux bien les examiner sans préjugé. Mais à première vue, les homéos Hindous semblent se contenter de brandir des statistiques de rémission. Chez nous, les homéopathes ne prétendent pas, ou n’osent plus prétendre, soigner les maladies « sérieuses ». Dans tous les livres qui se publient, je ne vois jamais que des indications pour des maladies « banales » et « courantes ». Sur le terrain, je n’entends pas dire que des toubibs traitent le cancer ou d’autre pathologies létales avec des granules. J’attends toujours qu’on m’explique le mystère de tant de modestie de la part d’une médecine réputée si performante.
5) L’homéopathie trompe les patients
Dans quelques mails, on m’accuse de « faire le jeu des détracteurs de l’homéopathie ». Là, je dis « stop ». Je ne suis le pantin de personne et je joue pour mon propre compte. Les contempteurs de l’homéopathie, je ne les ai jamais épargnés. On ne peut pas me reprocher d’être complaisant, par exemple, avec les autorités de la médecine orthodoxe ou avec les fabricants de médicaments allopathiques. Mais il est temps, à mes yeux, de se confronter à une réalité : l’homéopathie est devenue un big business qui charrie son lot de dérives et de mensonges. L’un d’entre eux mérite d’être souligné: certains produits et complexes prétendument homéopathiques relèvent en réalité de l’oligothérapie et de la phytothérapie. Ce ne sont pas des potions vides de toute substance mesurable, mais des remèdes remplis de minéraux ou d’extraits de plantes à doses pondérales. À une personne qui me vantait les vertus d’un sirop homéopathique, j’ai par exemple appris qu’elle était trompée sur la marchandise car la notice renseignait une bonne dizaine de plantes à peine diluées. Les labos homéopathiques profitent de l’aura attachée aux remèdes infinitésimaux mais ils se diversifient subrepticement dans la médecine par les plantes. Il est vrai que celle-ci peut se prévaloir d’une efficacité certaine attestée par un usage millénaire et par des recherches modernes. Ce que je dénonce, c’est la mystification commerciale consistant à faire prendre des vessies phyto pour des lanternes homéo.
6) L’homéopathie freine le changement
Avec le suivant, c’est le grief le plus sévère que j’adresse à une majorité d’homéopathes : comme leurs confrères conventionnels, ils se bornent très souvent à écouter des plaintes et à remplir des ordonnances. Comme déjà dit, peu sont formés à prodiguer des conseils diététiques. Encore plus rares sont les praticiens qui tirent parti du jeûne thérapeutique. Et lesquels prescrivent du sport ? Lesquels préconisent le dépôt des amalgames dentaires au mercure ? Lesquels s’inquiètent des sources supplémentaires de métaux lourds, de la pollution électromagnétique, de l’exposition aux pesticides et à d’autres facteurs environnementaux qui nuisent considérablement à la santé ? Lesquels mènent l’enquête sur le vécu psycho-émotionnel de leurs patients et sur les stress qui ont précédé l’apparition de la maladie ? Lesquels pensent à relier un trouble ou une pathologie à une mémoire transgénérationnelle dissimulée dans la généalogie familiale ? Une infime minorité, malheureusement. À bien des égards, l’homéopathie est complètement « has been » par rapport à l’avancée des connaissances sur les (vraies) causes de la maladie et sur les (bonnes) solutions thérapeutiques. Pour moi, le changement du paradigme médical vers une vision vraiment globale de la santé est d’avantage freiné que favorisé par l’homéopathie. Ni subversive ni dérangeante, celle-ci ne bouscule nullement l’ordre médical établi qui occulte le pouvoir pathogène des chocs émotionnels et leur impact dans le cerveau. C’est en pratiquant le spiritisme que Samuel Hahnemann a eu la révélation de son invention. Puissent ses héritiers se détourner des esprits frappeurs et accorder beaucoup plus d’importance à l’esprit tout court….
7) L’homéopathie, c’est de … l’allopathie
Allô, vous avez dit « allo » ? Etymologiquement, ce préfixe signifie « autre ». Comme dans « allochtone » ou « allogène », il peut être entendu comme un indice sémantique d’extériorité ou de présence étrangère. Dans ce sens là, je considère que l’homéopathie n’est pas différente de l’allopathie puisqu’elle suppose que le malade a besoin d’une solution extérieure et étrangère à lui pour se guérir. Il s’agit d’une solution semblable, et non plus d’une solution contraire, mais d’une solution extérieure quand même ! Bien sûr, on va me rétorquer que l’homéopathie s’intéresse au terrain, qu’elle vise à stimuler l’autoguérison, qu’elle mobilise ce merveilleux « médecin intérieur » dont parlait Albert Schweitzer. Certains homéopathes vont même jusqu’à dire que le support matériel du remède n’a pas d’importance : c’est son nom et l’énergie qu’il véhicule qui agissent pour déclencher un mécanisme résolutif. Il n’empêche : il s’agit toujours d’imposer l’idéologie selon laquelle les ressources intérieures d’un être humain ne suffisent pas à sa guérison. Pour aller mieux, il lui faudrait absolument une impulsion exogène, une étincelle extrinsèque, un remède étranger à son intériorité. Il s’agit aussi de conforter le patient dans l’idée que ses habitudes et son mode de vie pèsent moins que son ignorance de la dilution salutaire. Pour s’ouvrir la porte du mieux-être, il lui manquerait obligatoirement le sésame latin que le médecin savant va lui donner. C’est pourquoi des tas de patients suivis par homéopathie ne changent strictement rien à leur vie, s’en remettent au médecin et placent toute leur confiance dans ses granules miraculeux. Plus encore que l’allopathie, cette forme de médecine peut être terriblement infantilisante et déresponsabilisante. Elle aide peu à progresser vers la gestion autonome de sa santé. Elle rend dépendant d’un savoir « allo » qui – comble du désastre – est souvent inapte à chasser la « pathie ». Non, décidément, je n’aime pas (trop) l’homéopathie. C’est sur des voies thérapeutiques à la fois plus émancipatrices et plus éprouvées que j’ai envie de vous informer, à travers la revue mensuelle Néosanté et via cette infolettre hebdomadaire. Si vous en pensez du bien, n’hésitez pas à en parler autour de vous et à faire du bruit dans les médias sociaux.
Yves Rasir
RAPPEL : les réponses aux newsletters Néosanté ne nous parviennent pas car elles sont noyées parmi les envois infructueux. Pour nous écrire, il faut adresser vos messages à info@neosante.eu |