Vous êtes en vacances ? Sur le point de partir ? Moi, j’en reviens. Je prends chaque année mes congés durant la première quinzaine de juillet puisque la revue Néosanté fait relâche en août et que ce mois est mis à profit pour préparer le numéro de septembre. Je me réserve ainsi deux semaines pour résorber mon arriéré de courrier et de courriel, faire avancer d’autres projets pour la rentrée et jeter un coup d’œil à la comptabilité. A ce sujet, je dois bien dire que mon retour m’a réservé, malgré le soleil ramené dans les bagages, une vraie douche froide : ces derniers temps, les chiffres d’abonnement et de réabonnement ont reflué au point de mettre en péril la viabilité économique de notre maison d’édition. C’est la raison pour laquelle je lance, en bas de cette lettre , un grand appel à la mobilisation : vous pouvez nous tirer de ce mauvais pas en parrainant de nouveaux lecteurs ou, si vous n’êtes pas encore abonné(e)s, en profitant d’une offre d’été exceptionnelle. Sur notre site, nous avons également créé un bouton permettant d’adhérer au système d’affiliation de notre petite structure, qui, je vous le rappelle, fonctionne sans ressources publicitaires (c’est un choix pour préserver notre totale indépendance) et sans les aides accordées à la presse bienpensante. Je croise les doigts pour que cette triple initiative porte rapidement ses fruits, sans quoi les clés de Néosanté pourraient bien se retrouver prochainement sous le paillasson.
Mais trêve de propos alarmistes. Je reprends la plume de ce billet hebdomadaire avec confiance et sérénité. De quoi vais-je donc vous parler ? Je rentre de deux semaines passées au Portugal et j’ai bien envie de vous en raconter quelques souvenirs. Non pas, bien sûr, pour vanter les charmes touristiques de ce beau pays, qui n’ont pas besoin de l’être, mais pour partager des découvertes que j’y ai faites en rapport avec la santé au sens large. J’espère que vous puiserez, vous aussi, dans ces « cartes postales du Portugal » matière à réflexion et à évolution personnelle.
La première carte que je vous écris représente Almoçageme, un village de quelques centaines d’habitants situé au Nord de Lisbonne, dans la commune de Colares, pas loin de la ville de Sintra et ses châteaux féériques. J’ai séjourné une semaine dans une maison de ce village et j’ai appris plein de choses en regardant vivre ses habitants et en observant un peu leur environnement. La chose qui m’a le plus frappé, c’est l’incroyable vitalité commerciale d’une si modeste bourgade. Quatre restaurants, plusieurs épiceries-boulangeries, une boucherie, des bistrots et bars-tabac à tous les coins de rue, une quincaillerie, une droguerie, une mercerie, deux ou trois salons de coiffure, une boutique de déco, un magasin de vêtements, un marchand de glaces et j’en passe : c’est vraiment étonnant de trouver tout ça dans un patelin pourtant peu fréquenté par les touristes. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est que je n’y ai pas vu de pharmacie. En Belgique ou en France, ce genre d’entité rurale serait au contraire déshéritée d’un point de vue commercial alors qu’on y trouverait sûrement une officine d'apothicaire. J’ai l’habitude, par exemple, de sillonner la campagne des Ardennes belges : on y trouve très rarement un boucherie ou une boulangerie, encore moins d’épiceries, mais les croix vertes lumineuses y sont omniprésentes. Tous les bleds, ou presque, sont « équipés » d’une pharmacie. Là-bas, au Portugal, la situation est plutôt inverse : les commerces d’alimentation et de restauration sont clairement plus prioritaires que les magasins de médicaments. Bien manger à Almoçageme, c’est très facile. S’y approvisionner en drogues légales, ça l’est beaucoup moins. Hippocrate serait-il devenu Portugais ?
On m’objectera peut-être que la demande existe mais que l’offre ne suit pas, qu’il y a peut-être là-bas trop peu de pharmaciens par rapport aux besoins. Ou bien que ces besoins sanitaires sont barrés par des réalités budgétaires. Mais j’ai plutôt eu l’impression que ce « désert pharmaceutique », conjugué à un épatant dynamisme alimentaire, est le reflet de la culture locale, peu encline à la médicalisation et aux soins des symptômes tandis que le contenu de l’assiette y est privilégié. Pour illustrer ce propos, la semaine prochaine, je vous parlerai de l’épicerie principale du village. Après un bistrot-resto-pâtisserie, le petit marché aux poissons et l’échoppe d’un marchand de volaille, c’est le commerce d’Almoçageme situé le plus près de l’église. Rien que cette hiérarchie d’implantation géographique est déjà éloquente. Elle témoigne à mon sens d’un art de vivre qui met au centre les meilleurs ingrédients d’une bonne santé. D’abord la dimension spirituelle de l’existence, ensuite la vie sociale et le plaisir, puis la nourriture avec les meilleures sources de protéines et d'acides gras, et enfin les apports nutritionnels du règne végétal.
À mercredi prochain donc pour une deuxième « carte postale du Portugal ».
Yves Rasir
|