LE SENS DE L’ART et des maux d’artistes

ARTICLE N° 41 Par Bernard Tihon

Tout a un sens. La biologie est totale. C’est ainsi que le Dr Claude Sabbah résume les découvertes du Dr Hamer et l’essence de son propre enseignement. Cela signifie qu’il n’y pas que les maladies qui sont des programmes installés dans le cerveau inconscient au cours de l’évolution. Le moindre de nos comportements et la plupart de nos choix (amours, métiers, voyages…) sont l’expression biologique de nos conflits psychiques et de ceux de nos aïeux. La profession d’artiste n’échappe pas à la règle et les œuvres des grands créateurs peuvent s’éclairer à la lumière de leurs parcours pathologique. Dans cet article inspiré par le lecture du livre « Maux d’artistes », Bernard Tihon dévelope l’idée que l’art est aussi une solution de survie par la fuite dans l’imaginaire. Pour passer de la survie à la santé, il faut oser faire de sa vie une œuvre unique et originale.

Quel est le sens de l’art ? Quel lien y a-t-il entre l’activité artistique et la santé ? Les grands artistes sont-ils tous des grands malades ? La lecture du livre de Sebastian Dieguez, « Maux d’artistes », paru aux éditions Belin Pour la science, va nous aider à découvrir ce que cachent les œuvres.

Le sens étymologique

Le mot art vient du latin « ars » = talent, savoir-faire, habileté, art, qualité, vertu, bien, moyen, procédé, ligne de conduite ; métier, profession, science ; théorie, connaissances techniques, doctrine, système, traité. Waw ! L’étymologie latine élargit vachement la notion d’art. Faire de l’art, c’est bien plus qu’avoir une activité artistique au sens strict du terme : c’est faire preuve de talent, de savoir-faire, d’habilité, etc. Au contraire, celui qui n’exerce aucun art est un homme sans talent. L’art est tout dans la vie. D’ailleurs ne dit-on pas « l’art de vivre » ?
En français, la notion d’art bénéficie aussi d’une définition très large :
ensemble de moyens qui tendent à une certaine fin ;
moyen d’obtenir quelque résultat, par l’effet d’aptitudes naturelles (= adresse) ;
théorie et application des connaissances utiles à l’homme
(= métier) ;
expression, par les œuvres de l’homme, d’un idéal de beauté : c’est ce dernier sens, proche de celui des « beaux-arts »
(= arts dont le but principal est la production du beau) qui nous intéresse particulièrement dans le cadre du présent article, et nous allons essayer de comprendre en quoi l’expression d’un idéal de beauté est essentielle pour l’être humain.
La première piste de décodage est donc celle de la beauté, puisque l’art sert à faire du beau. Le mot beauté vient du latin « bellus » = joli, charmant, agréable, élégant, aimable, délicat, en bon état, en bonne santé ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le latin. L’étymologie est à la fois un peu réductrice, car la beauté c’est quand-même plus que le côté joli et agréable des choses, c’est une valeur plus profonde, et à la fois extensive, puisqu’elle donne en huit qualifications le détail de ce que c’est la beauté. Autrement dit, pour faire du beau, il faut que l’objet créé soit à la fois joli, charmant, agréable, élégant, aimable, délicat, en bon état et en bonne santé. Bon courage les amis, vous qui êtes tous des artistes en herbe, pour y arriver. Mais le plus intéressant, c’est le dernier sens : la beauté = la santé ! Donc cela veut dire que tous les artistes recherchent la santé au travers de leur activité artistique. L’art est un puissant outil pour retrouver, conserver, améliorer la santé. L’art, sous toutes ses formes, devrait être au programme de toutes les écoles, les collectivités (notamment celles réservées aux personnes âgées) et surtout les hôpitaux.

Le sens symbolique

D’un point de vue symbolique, l’art représente le dépassement de soi, une forme de sublimation. Il n’a pas seulement une vertu défensive, pour permettre à l’homme de lutter contre ses démons guerriers et ses pulsions sexuelles (une vertu que le sport a aussi par exemple), il a aussi une puissance sacrée, car la pratique artistique élève l’homme et elle est souvent associée à la spiritualité dans notre inconscient collectif qui est fondé sur les grandes mythologies. En pratiquant un art, l’être humain va exprimer dans la matière (picturale, musicale, scénique ou autre) la beauté, la grandeur, la splendeur de l’esprit qui s’exprime en lui, à travers lui. L’esprit divin pour les croyants. L’esprit païen pour les autres. L’art est un moyen précieux de réconcilier la vie spirituelle et la vie matérielle.

Le sens biologique

Qui mieux que Laborit, un des grands précurseurs du décodage biologique, peut nous dire plus précisément quel est le sens de l’art dans une logique biologique de lutte pour la survie et la domination ? Relisons quelques passages de son livre le plus connu, « Eloge de la fuite », dans lequel il décrypte plusieurs moyens de fuir, donc de survivre dans un environnement hostile et surpeuplé, comme l’est la terre qui nous supporte.
L’imaginaire est une fonction spécifiquement humaine qui permet à l’homme, contrairement aux animaux, de transformer le monde qui l’entoure, et donc ce mécanisme de fuite lui permet d’éviter l’aliénation, d’éviter de rester enchaîné et dépendant de son environnement, et plus particulièrement de la société dans laquelle il vit, peuplée d’autres humains qui entravent sa liberté. L’imaginaire rend la liberté à l’homme social enchaîné. Eloge de la fuite = éloge de la fiction.
Il existe plusieurs façons de fuir et l’une d’entre elles, la plus puissante de toutes, est de fuir dans l’imaginaire, dans la création artistique, car c’est fuir dans un monde qui n’est pas de ce monde et qui peut rester hors d’atteinte des autres. Dans le monde de la création, on risque peu d’être poursuivi et on peut y conquérir un vaste territoire qui sera valorisant, sans craindre d’être bouté dehors par un concurrent. L’art apporte à l’artiste une récompense qui est la seule qui soit essentielle et hors d’atteinte des prédateurs et de la censure sociale. Mais le paradoxe de la plupart des artistes, c’est qu’ils ne se contentent pas de cela, ils veulent en plus la reconnaissance des autres et la sécurité matérielle, ce qui fait qu’ils perdent le bénéfice de cette liberté et retombent dans l’aliénation. Pratiquez l’art libre, vous ne serez jamais déçus.
Laborit ajoute une autre voie qui mène vers la création artistique : l’homme est le seul animal qui sait qu’il va mourir et l’angoisse qui en résulte est une autre puissante motivation qui le pousse à la créativité. En résumé, l’homme est artiste pour fuir, pour se libérer de l’aliénation, et pour se libérer de son angoisse de mort en l’exprimant dans des œuvres.

Le sens des maux d’artistes

Dans son livre, qui est un recueil d’articles publiés dans la rubrique « Art et pathologies » du magazine « Cerveau & Psycho », Sebastian Dieguez s’interroge sur les liens cachés entre les œuvres d’art et les maladies de leurs auteurs (donc aussi, ajoutons-nous, les conflits sous-jacents à ces maladies). Par exemple, il retrouve la trace de l’épilepsie de Dostoïevski dans certains héros de ses romans. Il ne s’agit pas d’expliquer une œuvre par la maladie de son auteur, ni de réduire l’art à une anomalie médicale, suivant le cliché que les artistes seraient tous des alcooliques, drogués, caractériels, mégalomanes, tourmentés, dépressifs, persécutés. Non, il cherche simplement à mieux comprendre comment l’art et le cerveau se nourrissent l’un de l’autre, ce qui est passionnant dans l’optique du décodage qui est celle de Néosanté.
On se rend vite compte – et beaucoup d’entre nous l’ont déjà expérimenté dans leur propre vie – à quel point les problèmes de santé peuvent avoir une influence favorable sur l’émergence d’une vocation artistique et l’éclosion d’un don d’artiste. Il s’agit d’un des avantages secondaires de la maladie qui permet aux artistes malades de déserter les obligations quotidiennes, qu’elles soient professionnelles ou familiales, en leur offrant du temps libre pour se consacrer pleinement à leur art. Dans ce sens, la maladie inspire l’art et le tempérament maladif peut être vecteur de génie créatif. (Nous disons bien « peut être » car il ne suffit pas d’être malade pour avoir du talent, rien ne sert donc de tomber malade pour ça.) Proust en est un bel exemple, lui qui cumulait plusieurs pathologies (asthme, insomnie, allergies, rhume des foins, problèmes digestifs et articulaires, urémie, vertiges, migraines, phobies) et qui passait le plus clair de son temps au lit à souffrir, écrire et lire. Mais ce sont surtout ses troubles de la mémoire dus à l’absorption de psychotropes qui expliqueraient l’importance prise par la remémoration non consciente dans son œuvre. Il serait aussi intéressant d’aller plus loin en recherchant les conflits qui sont à l’origine de ces maladies chez Proust, mais faute de pouvoir en parler avec le principal intéressé, cela relèverait d’un décodage trop hypothétique. Il nous reste son œuvre magnifique à lire et relire, à la recherche du temps perdu puis retrouvé.
L’arrivée d’une maladie peut aussi transformer l’œuvre d’un artiste, positivement ou négativement. Il ne créera plus de la même manière qu’avant. Par exemple, on remarque l’influence de la cataracte de Monet dans les tons de ses derniers tableaux : la nuit s’abat progressivement sur son œuvre, les contours s’estompent, certaines couleurs disparaissent. Le cas le plus extrême est celui du musicien Ravel, auteur du célèbre Boléro, qui, à la fin de sa vie, ne pouvait plus écrire la musique qu’il avait dans la tête, à cause d’une maladie neurologique qui avait rompu les connexions entre les zones du cerveau qui s’occupent de l’imagination et celles qui prennent en charge l’écriture. Son dernier opéra est resté à jamais enfermé dans son imaginaire. Il devait avoir un énorme stress inconscient lié à la création pour en arriver là. Triste et fabuleux destin d’artiste à la fois.
L’activité artistique va jouer aussi un rôle d’accélérateur pour tous les troubles liés à l’identité et à la multiplication des personnalités, et inversement ces troubles vont avoir un effet turbo sur l’activité artistique. L’exemple le plus flagrant est celui de Nietzsche, le surhomme de la folie, qui, durant les phases de son trouble bipolaire, alternait des états dépressifs terrifiants et des états d’exaltation maniaque au cours desquels il était hyper créatif, au point d’avoir le sentiment de carrément tutoyer les dieux.
Enfin l’auteur évoque des personnalités troubles plus contemporaines, se demandant quand-même si un tempérament particulier, de type border line, ne serait pas un pré-requis pour produire des œuvres originales et puissantes. On peut en conclure que non, quand on voit que le prix à payer par ceux qui ont suivi cette voie est exorbitant, comme par exemple les chanteurs suicidaires Kurt Cobain (Nirvana) et Ian Curtis (Joy Division). En fait, un caractère hors du commun et une prédisposition aux troubles de santé peuvent aussi bien être un moteur qu’un frein à la créativité artistique.
Quant à moi, je conclurai cette balade au cœur des maux d’artistes en évoquant le souvenir de la jeunesse de Brigitte Bardot pour attirer l’attention sur le fait que la célébrité, qui est souvent liée à la réussite artistique, est un facteur de risque et un conflit important, potentiellement maladisant. Le regard des autres devient un stress énorme pour celles et ceux qui lui doivent le succès et qui sont sans cesse pourchassés par ce regard inquisiteur, prenant la forme par exemple des photographes de presse appelés paparazzi. Souvenons-nous de la tentative de suicide de Brigitte, qui était la star adulée des années soixante, la plus belle actrice de cinéma du monde, et qui ne pouvait plus supporter le supplice d’être cloîtrée dans sa villa de Saint-Tropez, enfermée par le regard d’autrui. On en revient à Laborit : l’art a un sens par l’imaginaire qui permet de fuir, d’échapper à sa condition, pas quand il est lui-même un facteur d’aliénation.

Le sens artistique de la vie

Lorsque j’ai reçu le livre « Maux d’artistes », ma femme s’est empressée de me le chiper pour en faire son livre de chevet. Tiens, me suis-je dit, pourquoi s’y intéresse-t-elle tant, elle qui est institutrice ? Sans doute parce que depuis 22 ans elle a l’habitude de vivre à côté d’un artiste malade, enfin surtout malade…
Durant toute ma vie, en tout cas depuis l’âge de 16 ans, j’ai pratiqué une activité artistique. L’écriture m’a accompagné jusqu’à ce jour et, depuis quelques années, de manière plus intensive. Pour mon plus grand bonheur. Plus jeune, j’ai fait du théâtre pendant dix ans, surtout de la mise en scène, et je sais tout ce que cela m’a apporté : une véritable formation humaniste (intellectuelle, sociale, politique, philosophique, psychologique, sexuelle et artistique). Je puis dire que l’art m’a vraiment beaucoup aidé à vivre et m’a permis de m’exprimer d’une manière et avec une force insoupçonnée et inégalable. Merci les beaux arts.
Mais ce n’est pas tout. Exercer un art, quel qu’il soit, c’est très bien, mais ce qui est encore mieux, c’est de faire de sa vie une œuvre d’art. Etre artiste dans l’âme, dans la création quotidienne d’une vie originale libérée des conventions et du conformisme. Libérée aussi des programmes familiaux inconscients qui se répètent de génération en génération et qui font que vous avez la même vie que vos ancêtres, à quelques détails près (mais vous pouvez entreprendre une thérapie pour déprogrammer tout ça). Trop peu de gens le savent : vous n’êtes pas obligés d’avoir la même vie que vos voisins et vous pouvez créer une vie unique, la vôtre. Vous pouvez construire une maison différente de toutes les fermettes qu’on voit partout. Vous pouvez consommer différemment, votre pouvoir est énorme en la matière, vu la loi de l’offre et de la demande qui domine le marché, vous pouvez être à l’origine d’une révolution planétaire. Vous pouvez travailler différemment, dormir différemment, manger différemment, respirer différemment, jouir différemment, vieillir différemment, penser différemment,…vous soigner différemment.
En fait, chacun se croit différent, mais sans l’être réellement. C’est ainsi dans le choix de la voiture : chacun se croit différent en achetant une voiture censée être originale, mais les voitures sont toutes plus ou moins les mêmes, à quelques détails près. Illusion de la liberté, illusion de la création. Etre l’auteur de sa vie et en faire une œuvre d’art se mesure à d’autres choix plus radicaux, plus originaux. Osez. Osons. Chaque seconde du temps qui passe est l’occasion d’être l’artiste qui invente une nouvelle façon de vivre. Nos parents nous ont donné la vie, profitons-en, ne la laissons pas passer sans rien faire. Après ce sera trop tard. Le sens de la vie c’est d’en faire une belle œuvre d’art.

A lire

« Maux d’artistes, ce que cachent les œuvres », Sebastian Dieguez, Editions Belin Pour la science

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