L’autre pilier de la santé

Yves Rasir

Comme vous le savez, j’édite la revue Néosanté grâce à une équipe de collaborateurs extérieurs : des journalistes de métier et des praticiens professionnels (médecins, thérapeutes, enseignants-experts…) qui partagent notre conception globale de la santé. Sans ces derniers, le contenu rédactionnel du mensuel ne serait pas aussi riche et varié.  En tant que rédacteur en chef, je suis bien content de pouvoir compter sur eux ! Mais quand je coiffe ma deuxième casquette – celle de secrétaire de rédaction – je suis parfois bien embêté. Ce boulot de secrétariat consiste en effet à « mettre en forme » les différents articles, c’est-à-dire à les surmonter d’un titre et d’un « chapeau » d’introduction, à insérer des intertitres et mettre des phrases en exergue, à corriger les  fautes éventuelles (syntaxe, orthographe, style…) avant l’intervention plus efficace de la correctrice et à retravailler certains passages si nécessaire. Cela implique aussi de « tailler », comme on dit dans le jargon journalistique, et donc de couper ou d’élaguer les textes trop longs. Or c’est là le péché mignon des rédacteurs amateurs : ils n’ont pas la discipline des pros de la plume et oublient parfois de respecter le lignage prévu.  Par manque de place, il faut alors raccourcir ce qui dépasse.
 
Le problème, c’est que je suis un mauvais manieur de sécateur. J’éprouve des difficultés à abréger les articles et à biffer les paragraphes excédentaires car je parviens rarement à les trouver superflus. Tout ce qu’écrivent les collaborateurs de Néosanté est tellement intéressant que j’ai bien du mal à émonder leur prose. C’est particulièrement le cas avec celle de Jean-Brice Thivent, naturopathe français renommé et titulaire de la rubrique Avantage Nature. Ses contributions sont tellement  dignes d’intérêt et tellement denses en informations et en conseils que j’hésite longtemps avant de jouer de la cisaille. Et quand je la repose, je me demande toujours si j’ai sabré à bon escient et si je n’ai pas privé le lecteur de propos passionnants ou éclairants. Pour le numéro de juillet, Jean-Brice m’a de nouveau mis dans l’embarras  puisqu’il m’a rendu un texte trop long de mille caractères. Il m’a fallu sortir les ciseaux et amputer toute une partie de l’article. C’est vraiment dommage car dans celui-ci, notre expert en naturopathie explique comment il conçoit son art et pourquoi il se distingue de nombre de ses collègues. À ses yeux, l’authentique médecine naturelle s’appuie forcément sur trois piliers dont l’un des trois est trop souvent oublié, celui de l’hygiène psycho-émotionnelle. Il faut dire que Jean-Brice est un naturopathe un peu spécial car il a également étudié la biologie totale des êtres vivants avec le Dr Claude Sabbah et le Dr Gérard Athias.  La causalité conflictuelle des maladies, ça le connaît ! Histoire de ne frustrer personne, je reproduis ci-dessous l’intégralité de son article. Pour les amoureux de la concision, rendez-vous dans le Néosanté de l’été.

Yves Rasir

L’autre pilier de la santé oublié des naturopathes

La santé est un trépied. Elle est bancale si  elle repose seulement sur deux de ses trois pieds. Or beaucoup de naturopathes se focalisent sur l’hygiène alimentaire et l’hygiène physique en négligeant l’hygiène psycho-émotionnelle.  Celle-ci implique d’examiner la cause profonde des stress pathogènes.
 
Vous connaissez sans doute comme moi des personnes qui menaient une vie des plus parfaites sur le plan de l’hygiène vitale et qui malgré tout sont « tombées malades ». J’ai connu une professeure de yoga qui vivait dans la campagne provençale à l’écart de toutes sources de pollution,  était végétarienne, pratiquait parfois le jeûne et ne mangeait que bio. Elle était active et pratiquait tous les jours du yoga ou des marches en montagne, ne fumait  pas et ne buvait pas d’alcool, ne consommait aucun produit industriel. Une vie idéale si l’on s’en tient à l’approche naturopathique de la santé.  Dans cette logique, elle aurait dû vivre centenaire, sauf qu’elle est morte d’un cancer du sein aux alentours de la quarantaine ! Pourtant elle n’a pas été irradiée ou empoisonnée par quelque polluant que ce soit (à part sans doute les traitements après la déclaration de sa maladie). Ce cas n’est hélas pas isolé, au grand étonnement de nombreux adeptes de la naturopathie ou de l’hygiénisme. On cherche alors des explications du côté de la génétique, sauf qu’en accusant les gènes, on se déresponsabilise vis-à-vis de sa santé. Si la santé est due à mes gènes, alors pourquoi essayer de la préserver par une hygiène de vie saine ?
 
Jamais deux sans trois
 
En réalité, la santé repose sur trois piliers principaux: on retrouve ces trois piliers dans de nombreuses traditions partout dans le monde. Mais comme nous allons le voir, la naturopathie moderne à tendance à en négliger deux sur les trois, devinez lesquels ?

  • L’hygiène alimentaire (diététique et nutrition)
  • L’hygiène physique (mouvement et respiration)
  • L’hygiène psycho-émotionnelle (gestion du  stress- développement personnel) 

Les naturopathes misent essentiellement sur l’hygiène alimentaire. Suivant les courants et les différentes écoles, on met l’accent sur la qualité nutritionnelle, l’équilibre acido-basique, l’alimentation dissociée, le crudivorisme, le végétalisme …et l’on pense qu’en apportant un réglage alimentaire au patient, cela suffira à le guérir de tous ses maux. L’adage d’Hippocrate « Que ton aliment soit ton médicament » ne veut pas dire qu’il est le seul médicament. Pour la Dr Kousmine, la santé repose sur un trépied. Si vous retirez un pied à une table, elle ne tient plus. Pour nous, c’est pareil. Bien manger tout en restant sédentaire ne suffit pas pour atteindre un niveau de santé optimal. Mais encore plus que le mouvement, c’est le 3ème pilier, l’axe psycho-émotionnel, qui n’est trop souvent abordé que de façon superficielle par les naturopathes. Ils pensent pour la plupart qu’en faisant  de la relaxation, de la visualisation créatrice ou même de la méditation, on parviendra à supprimer les sources de stress qui font le lit de nos maladies.
 
La naturopathie se doit d’être holistique
 
Je ne veux pas critiquer ces méthodes qui ont fait leurs preuves et que j’intègre même à mon mode de vie. Je ne dis pas non plus qu’il n’existe pas d’origine psycho-émotionnelle à nos maladies, c’est même de cela dont je vais vous parler par la suite. Je dis simplement que les techniques de gestion du stress, d’introspection, de visualisation… ne doivent pas nous faire oublier la cause profonde de nos soucis. Si comme moi, à la suite d’une séance de relaxation ou après un bon massage, vous vous sentez détendu et plus disposé à mieux vivre votre quotidien,  cela ne vous empêchera pas le lendemain d’être confronté à vos angoisses, conflits ou soucis habituels. Vous continuerez de vous faire harceler par votre patron si c’est votre problématique du moment, vous ne supporterez pas mieux les remarques de votre belle-mère et vous ne comprendrez toujours pas pourquoi vous attirez à vous toujours les mêmes types de partenaires agressifs ou encore pourquoi vous acceptez de mener une vie qui ne vous convient pas. Ce que je veux dire, c’est que la naturopathie « classique » ne propose pas d’approche causaliste sur le plan psycho-émotionnel. Elle ne propose pas une exploration et une compréhension pertinente de ce qui constitue les raisons profondes des stress majeurs de votre vie pourtant à l’origine de nombreux symptômes.  Cet aspect de la santé qui fait le lien entre la psyché, l’émotionnel (les ressentis) et le physique (soma) constitue pourtant une branche fondamentale de la naturopathie dite « holistique » (globale). On parle des origines psychosomatiques ou plutôt « psychobiologiques » de la « mal-à-dit » qui devient porteuse de sens. Nos symptômes deviennent alors l’expression de nos conflits psycho-émotionnels que nous n’arrivons pas à gérer.
 
La maladie comme adaptation
 
La revue Néosanté nous montre depuis longtemps que la maladie n’est pas un simple dérèglement ni même la marque d’une faiblesse ou d’une fatigue organique : elle est au contraire une réaction, une adaptation chargée de sens. Il faut même parfois être suffisamment en bonne santé pour « tomber malade ».  Comme le disait, CG Jung, « la maladie est l’effort que fait la nature pour guérir ». Nos maladies sont sans doute essentielles pour passer certaines étapes de notre vie et pour évoluer. Les maladies d’autonomie de l’enfance (maladies de peau type rougeole, rubéole, varicelle…) en sont un exemple connu. Après certaines maladies, les enfants sont véritablement changés et gagnent en autonomie émotionnelle. La maladie peut donc s’avérer utile à condition de l’appréhender comme un moyen de remettre en cause certains aspects de sa vie. Mais même si vous ajoutez à votre hygiène de vie la relaxation, des techniques respiratoires ou la sophrologie… cela ne vous empêchera pas d’être malade car la maladie est très souvent une étape nécessaire pour atteindre la santé. De quelle santé parle-t-on ? Être en bonne santé ne veut pas dire ne pas avoir de symptôme ou de maladie. Ce n’est que la vision physique de la santé. D’autre part, la naturopathie nous apprend à reprendre le contrôle de notre santé, à devenir des individus responsables et lucides quant aux causes de nos maladies afin de les supprimer en changeant nos comportements. Mais pouvons- nous vraiment tout contrôler ? La maladie ne prend-elle pas ses racines ailleurs que dans nos aliments, dans l’air que nous respirons, dans les cellules soi-disant sous-oxygénées ou même dans nos stress quotidiens ? 
 
Psycho-bio-généalogie
 
Pour résumer, vous aurez beau vous alimenter de la meilleure des façons, vous complémenter en nutriments essentiels, faire du sport et des exercices respiratoires tous les jours, de la méditation ou de la relaxation tous les matins, vivre dans la nature et sous un climat idéal… certes, vous augmenterez vos chances d’atteindre un bon niveau de vitalité, un état de bien-être mais cela ne vous épargnera pas la maladie ! Toutes ces techniques ne pèseront pas grand-chose pour une personne qui porte des mémoires familiales très lourdes ou qui vit une situation de harcèlement insupportable au quotidien. En revanche, le changement de regard que je viens de vous proposer sur la maladie, associé à une hygiène de vie respectueuse des lois de la biologie, vous permettra d’encaisser plus facilement les désagréments (symptômes) associés à la maladie ou à un quotidien pénible. Une naturopathie véritablement holistique gagnerait à se tourner vers les approches psycho-bio-généalogiques qui font le lien entre le corps (soma), le cerveau, l’émotionnel (ressenti) et notre histoire familiale. Car la maladie n’est pas qu’une histoire « d’encrassement humoral » ou « d’équilibre acido-basique » ! Mais je prêche ici en terrain conquis !
 
 

Jean-Brice Thivent
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