Comment (ne pas) soigner les otites

Yves Rasir

Mes proches s’en plaignent régulièrement et je les comprends : je suis un peu dur de la feuille. Cette perte d’audition remonte aux otites de ma petite enfance et à deux opérations chirurgicales que j’ai subies pour suturer mes tympans troués avec de la peau prélevée derrière les oreilles. Personne n’a jamais démontré l’utilité de ce genre d’intervention, mais c’est un détail dont la médecine ne s’embarrassait guère à l’époque, pas plus qu’elle ne s’interrogeait sur les complications d’otites justifiant le recours au bistouri. On a dit à mes parents que mes infections auriculaires avaient dû être mal soignées, alors qu’ils suivaient scrupuleusement les prescriptions du médecin de famille ! Avec auto-compassion,  je me souviens que ma maman me versait des gouttes dans les oreilles qui me faisaient pleurer de douleur mais qui, selon elle, allaient me guérir. En réalité,  mes otites ont pris un caractère chronique et les perforations se sont aggravées. Toute ma jeunesse, j’ai vécu dans la hantise que de l’eau pénètre jusqu’à mon oreille interne, et je devais mettre des bouchons même pour prendre un bain, cette précaution étant parfois doublée d’un bonnet de bain féminin pour les baignades.  Je ne vous dis pas, pour un petit garçon,  le traumatisme psychologique d’une telle humiliation !  Ces souffrances, je m’étais promis que mes enfants ne les connaîtraient pas lorsque viendrait mon tour de semer mes petites graines et de les regarder pousser.  Chacune de mes trois filles a fait plusieurs otites mais toutes les trois les ont surmontées facilement et rapidement sans médicament d’aucune sorte. 
 
Trois, c’est également le nombre de prises de consciences qui m’ont permis de les aider dans leur parcours d’auto-guérison. La première remonte à ma rencontre avec André Passebecq, naturopathe français renommé, dont j’ai eu la chance de suivre quelques enseignements. À qui voulait l’écouter, ce grand monsieur expliquait volontiers que toute maladie est une « biogonie », c’est-à-dire un « combat pour la vie » et qu’il ne fallait donc jamais interrompre cet élan vital en étouffant le symptôme. Au contraire, il fallait instaurer ce qu’il appelait la « paix thérapeutique » (ne donner aucun traitement suppressif) et laisser patiemment agir la nature. Le deuxième tournant de mon existence est bien entendu ma rencontre avec le Dr Hamer et sa « médecine nouvelle ». Corroborant la naturopathie sur la nécessité de ne pas contrecarrer un processus naturel, la médecine hamérienne constitue un vrai changement  de paradigme puisqu’elle discerne, en amont de toute pathologie, une causalité psycho-émotionnelle.  En l’occurrence, j’étais bien préparé à chercher l’origine conflictuelle des éventuelles otites de ma progéniture, celles-ci étant nécessairement en lien avec un bruit menaçant ou des propos blessants. La troisième étape de ma nouvelle vision de l’oreille se situe également à la fin des années 80. Comme reporter d’un grand hebdomadaire belge, je m’étais fait inviter à un congrès  où de grands pontes de l’allopathie venaient cracher toutes leurs dents sur l’homéopathie. J’écoutais distraitement les allocutions en somnolant mais l’une d’entre elles, celle du célèbre généticien Axel Khan, m’a totalement réveillé : ce distingué professeur pérorait que la médecine homéopathique avait démontré son efficacité dans une seule indication, précisément les otites de la petite enfance. Pourquoi ? Parce que l’oreille est immature à la naissance, que son immunité s’acquiert progressivement et que les produits antibiotiques perturbent cette construction immunitaire.  Le Dr Khan concluait que le succès du placebo homéo était logique dans ce seul cas et que, lui, d’ailleurs, avait bien pris soin de… ne pas soigner les otites de ses enfants. En attaquant l’homéopathie, le très cartésien médecin venait de faire une beau plaidoyer pour la naturopathie !
 
Des années plus tard, la première otite de ma première fille m’a donné l’occasion d’éprouver les connaissances engrangées. Ça se passait un matin, au petit-déjeuner. Mon épouse journaliste nous annonce qu’elle doit partir dare-dare en reportage à Sarajevo, théâtre à ce moment-là des premiers combats de la guerre en Yougoslavie. Cette nouvelle brutale et inquiétante semble affecter beaucoup notre aînée. Dix minutes plus tard, au moment de la déposer  à l’école maternelle, elle me dit qu’elle a mal à l’oreille.  Trois heures plus tard, l’école m’appelle parce  que ça ne va pas du tout et qu’il faut venir la rechercher.  L’après-midi même, je me présente à une polyclinique où un ORL diagnostique une otite purulente et me prescrit des antibiotiques. Je reviens à la maison sans passer par la pharmacie et je me contente de mettre ma fille à la diète, d’apaiser ses douleurs avec des compresses chaudes et de la bercer en lui expliquant que sa maman va revenir bientôt, saine et sauve, et avec un cadeau pour elle. Bien sûr,  je ne fais rien pour enrayer la fièvre. Après trois jours de ce « traitement »,  je vais consulter mon voisin toubib  en lui faisant croire que l’ORL souhaite vérifier l’action des antibiotiques. « Pas de souci, ils fonctionnent très bien et l’infection est déjà presque terminée »me répond-il. Le surlendemain, c’est une fillette en pleine forme qui se jette dans les bras de sa mère !  
 
Avec ma deuxième fille, l’aventure fut encore plus instructive.  Comme les otites récidivaient et qu’il nous avait semblé voir du sang couler avec le pus,  nous avons consulté un spécialiste réputé. Celui-ci a fait un prélèvement et nous a ordonné de donner un antibiotique à large spectre sans plus attendre. Muni des résultats de l’analyse, il nous confirma au téléphone que le germe était dangereux, qu’il pullulait et qu’il fallait le terrasser avec toute la boîte du médicament. Au bout d’une semaine, l’ORL nous revoit et je lui explique avec tact que j’ai préféré attendre mais que je suis prêt à commencer le traitement si la situation l’impose. Irrité et maugréant dans sa barbe, il saisit son otoscope et le plonge dans le pavillon de l’oreille atteinte.  Visiblement surpris, il croit s’être trompé de côté, fait pivoter le siège et ausculte l’oreille indemne. Comme il ne voit rien de part et d’autre, il nous emmène dans une autre pièce où il inspecte l’oreille  malade avec un appareil plus sophistiqué : toujours rien à l’horizon, plus la moindre trace d’infection ! Au lieu de m’interroger pour savoir ce que j’avais fait,  il a abrégé la consultation en me traitant d’irresponsable car le méchant microbe pouvait avoir migré dans l’oreille interne où il risquait d’abîmer le vestibule, les osselets et tout le toutim. C’est, je pense, la dernière fois, que j’ai vu un docteur en médecine en compagnie de mes enfants.  La morgue et  la mauvaise foi, je supporte encore. Mais le manque de curiosité et l’argument d’autorité, ça m’exaspère. Depuis ce jour-là, hormis la visite annuelle chez la pédiatre-homéopathe qui nous signait les fausses attestations de vaccination, j’ai tenu ma descendance à distance de la corporation médicale. 
 
Chez ma troisième fille, la stratégie  du jeûne et des compresses antalgiques assortie de câlins et de mots d’amour chuchotés a tout aussi bien marché. Comme  la médecine nouvelle le révèle, toute maladie se terminant en « ite » se manifeste en phase de réparation et ne demande qu’un peu de patience et de confiance pour évoluer favorablement. Et comme le suggère la naturopathie,  l’abstinence alimentaire facilite la résorption de l’inflammation et l’extinction  spontanée de l’infection. La pierre angulaire de cette (non) thérapie de l’otite, c’est évidemment le discours que l’on tient à l’enfant : même si l’on ne retrouve pas le bruit effrayant ou les paroles qui lui ont fait mal, il s’agit de lui communiquer notre absence de peur et notre assurance qu’il va guérir tout seul, grâce aux microbes et à la fièvre,  en achevant ainsi l’acquisition de son immunité auriculaire. Pour l’avoir expérimentée sept ou huit fois avec mes trois merveilles, cette attitude expectative et néanmoins empathique donne d’excellents résultats ! 
 
Ne comptez cependant pas sur moi pour les garantir, car la santé de quelqu’un dépend aussi de son terrain et de son départ dans la vie. Mes trois filles sont nées naturellement par voie basse, ont été allaitées exclusivement entre 4 et 6 mois, n’ont pas été vaccinées, et n’ont jamais reçu de médoc chimique antibiotique, antipyrétique ou anti-inflammatoire jusqu’à leur majorité (maintenant, elles font ce qu’elles veulent). En outre, elles ont été éduquées dans l’idée que les clés ouvrant et fermant les « mal-a-dit » étaient entre leurs mains, ou plutôt dans leur cerveaux (cérébral et intestinal),  et que la nature n’était jamais malveillante à leur égard. Elles sont donc un peu « spéciales » et il serait hasardeux de  m’imiter avec des enfants n’ayant pas le même passé. Si leur souffrance reste supportable et la fièvre raisonnable, je suis néanmoins persuadé que tous les gosses peuvent surmonter les otites sans être soumis à des soins médicaux. Les travaux scientifiques les plus récents confirment que la plupart d’entre elles guérissent spontanément. Et en se fondant sur cette littérature,  la revue  médicale indépendante Prescrire conseille l’attentisme dans un article  dont vous pouvez lire un résumé en cliquant ici.  A posteriori,  ces lectures me confortent dans le sentiment de  n’avoir jamais été inconscient et d’avoir (non) agi à bon escient.

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