Changer nos habitudes pour guérir (I)

Voici le sixième article de la série consacrée aux trois conditions (la prise de conscience, l’action et la persévérance) à mettre en œuvre pour augmenter nos chances de guérison. Le mois dernier, je vous proposais une réflexion sur le sens et l’utilité de nos habitudes. Car, comme je vous le rappelais, même si, à l’origine, nos habitudes ont toujours été utiles et adaptées, plus tard, ce sont malheureusement elles qui bloquent nos efforts de guérison. Et quand je parle d’habitudes, je ne fais même pas allusion à notre hygiène de vie sur le plan alimentaire ou physique.

Je pense plutôt à nos croyances limitantes, à nos comportements névrotiques, à notre relation conflictuelle aux autres et au monde, à notre incompétence à prendre soin de nos besoins et de nos émotions. De plus, il faut le reconnaître, certaines de nos habitudes ont la peau très dure et ne se laissent pas bousculer aussi facilement. Malgré tout, cette réalité recèle une bonne nouvelle. Comme je l’ai démontré le mois dernier, nos habitudes ne sont pas innées ; elles résultent d’un apprentissage adaptatif. Du coup, si elles ont été apprises, elles peuvent aussi être désapprises et modifiées. C’est ça, la bonne nouvelle. Mais pour cela, il faut une véritable stratégie de changement fondée sur une persévérance développée dans de bonnes conditions. Examinons ensemble les principales conditions qui rendent notre persévérance porteuse de résultats…

Condition n° 1 : se désidentifier

Si je me base sur mon expérience dans l’accompagnement des adultes depuis près de trente ans, je peux affirmer qu’un des obstacles majeurs au changement est le fait que nous nous identifions à nos symptômes ou à nos pathologies. C’est tellement courant que nous ne nous rendons même pas compte du piège dans lequel nous nous enfermons. Par exemple, si je souffre d’asthme, je dirai de moi que je suis asthmatique. Et tout mon entourage confirmera ce diagnostic. Ce dont je ne me rends pas compte, c’est qu’en présentant ma réalité de la sorte, j’entretiens sans le savoir ma pathologie de manière perverse et durable. En effet, en disant « Je suis asthmatique » ou « Je suis malade », je renforce dans mon esprit une sorte d’équation égalitaire du type « Je = asthmatique » ou « Je = malade ». Et si je décide de guérir de mon asthme, mon équation identitaire devient : « Je = plus rien du tout ». Autrement dit, guérir équivaudrait pour moi à perdre mon identité, ce que personne, évidemment, ne veut vivre… Alors, que faire ?
La stratégie pour en sortir, c’est de me désidentifier de ma pathologie et des habitudes toxiques qui lui sont associées… C’est de me répéter quotidiennement que « Je ne suis pas ce que je vis », « Je ne suis pas ma maladie, ma névrose, mes habitudes… » Non. Je suis ce que je suis, et ce « Je suis » fait l’expérience temporaire d’une maladie, d’un blocage, d’une habitude toxique ou invalidante. Se répéter cela, avec persévérance, peut être une des voies susceptibles d’augmenter nos chances de guérison…

Condition n° 2 : poser des actes 100 % sous notre contrôle

Une autre évidence qui passe souvent inaperçue aux yeux du profane, c’est que pour persévérer dans l’action, pour répéter un même comportement de guérison, il faut que cette action ne dépende que de moi… En effet, ce n’est pas tout de prendre conscience de l’origine de ma maladie et ce n’est pas tout de me dire qu’il faudra répéter, par exemple, de meilleures conditions relationnelles pour me guérir… Encore faut-il que ça ne dépende que de moi ! Combien de fois n’ai- je pas entendu, dans ma carrière, des personnes me dire : « Pour guérir, l’acte que je vais poser est de reconstruire l’harmonie dans mon couple ! » ou encore : « Pour guérir, l’acte que je vais poser est de me faire respecter par mon patron » ou encore : « Pour guérir, l’acte que je vais poser est d’obtenir des excuses de celui qui a abusé de moi pendant mon enfance… » Le simple examen sémantique de ces phrases permet de prédire immédiatement l’échec futur de la guérison. En effet, dans les trois exemples ci-dessus, les actes envisagés ne dépendent pas de la seule personne qui veut guérir, mais dépendent aussi du bon vouloir et de la réaction de l’autre…
La stratégie pour pallier cette difficulté, c’est de ne retenir que des actes 100 % sous son contrôle. Dans les exemples cités plus haut, je pourrais reformuler mes objectifs comme suit : « Pour guérir, l’acte que je vais poser est d’exprimer à mon(ma) conjoint(e) mes besoins chaque fois que je ne me sens pas respecté(e)… » ou « Pour guérir, l’acte que je vais poser est de poser mes limites vis-à-vis de mon patron chaque fois que c’est nécessaire » ou « Pour guérir, l’acte que je vais poser est de confronter mon abuseur, en lui disant toute la souffrance que j’ai vécue dans mon enfance… » Comme vous le remarquez, « exprimer mes besoins, poser mes limites, confronter, dire ma souffrance », tout cela ne dépend que de moi. En choisissant une telle approche, je crée les conditions idéales pour que mon processus de guérison soit moins empêché par les réactions des autres… Et je me donne également les moyens pour répéter autant de fois que nécessaire, les actions salvatrices…

Condition n° 3 : adopter la politique des petits pas

Certaines de nos habitudes sont tellement ancrées qu’il semble, a priori, impossible d’en changer… Par ailleurs, certaines prises de conscience sont tellement puissantes que, du jour au lendemain, nous voudrions éradiquer des comportements présents en nous depuis des dizaines d’années. Force est de constater que ces tentatives de grands chambardements ne génèrent presque jamais des changements durables dans la vie des individus. Qu’il s’agisse des résistances inconscientes au changement, d’un rejet violent de l’entourage, d’une perte brutale d’identité, nombreuses sont les causes d’échec dans cette tentative de changement radical.
La stratégie pour contourner cet obstacle, c’est d’adopter la politique des petits pas. Je préfère, et de loin, changer cent fois 3 % de mes habitudes que d’essayer de bouleverser trois fois 100 % de mes habitudes… Parce que cette attitude respecte infiniment plus mon écologie intérieure, mon entourage et mon besoin de stabilité. Comme le disait le philosophe français Paul Morand : « Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui ». Ici encore, nous voyons l’importance capitale de la persévérance dans la réussite d’un processus de guérison, à condition de prendre le temps d’installer petit à petit de nouvelles habitudes de vie, modestement, patiemment…

Condition n° 4 : lâcher la pression sur le résultat

Dans certaines circonstances, pourquoi la persévérance se transforme-t-elle en obsession ? L’explication est beaucoup plus simple qu’elle ne paraît. Tout simplement parce que l’individu en quête de guérison répète les mêmes actions en se focalisant complètement sur le résultat attendu plutôt que sur le processus en lui-même… En effet, si j’exprime mes besoins à mon (ma) conjoint(e) parce que je VEUX GUÉRIR à tout prix et parce qu’il est VITAL POUR MOI de retrouver l’harmonie conjugale pour me guérir, je crée une telle pression de résultat, je nourris de telles attentes que je risque de mettre en échec ma guérison. Pour au moins deux raisons. Tout d’abord, parce que toute mon attention est mobilisée sur le résultat que je veux obtenir plutôt que sur la manière d’exprimer mes besoins de manière adéquate. Ensuite, parce que je risque de mettre mon(ma) conjoint(e) en résistance à cause de la pression présente…
La stratégie pour éviter cet écueil, c’est de me recentrer sur le processus, c’est-à-dire sur les actes qui ne dépendent que de moi, et de lâcher la pression sur le résultat. Paradoxalement, moins je cherche à guérir de ma maladie, plus je crée les conditions favorables à ma guérison… Autrement dit, dans ce cas-ci, la persévérance ne consiste pas à répéter sans cesse « mes cellules guérissent de plus en plus » ou « je vis de plus en plus dans l’harmonie ». Non. La persévérance repose beaucoup plus sur le souci de poser les actes justes dans l’instant, jour après jour, sans se préoccuper du résultat…

Condition n° 5 : se méfier des apparences

Quand on met en œuvre un changement de comportement, la première chose que nous expérimentons, ce n’est pas le bonheur, la réussite et le bien-être, mais bien toute une série de choses désagréables : perte de nos repères, perte de notre identité, rejet de l’entourage, maladresse, insécurité face à la nouveauté, peur de l’inconnu… L’erreur fréquente que beaucoup d’individus commettent à ce moment-là, c’est de croire que ces résultats négatifs sont dus au fait qu’ils se sont trompés de comportement, qu’ils ont pris une mauvaise direction ou qu’ils ont adopté une mauvaise stratégie… Avec pour conséquence, un retour aux anciennes habitudes, en attente de mieux… Or, dans la plupart des cas, les désagréments vécus lors d’un processus de changement font partie intrinsèque du changement. Autrement dit, c’est plutôt normal et rassurant de vivre des expériences négatives quand on pose les premiers actes de changement…
La stratégie gagnante, dans ce cas, c’est de ne pas se fier à ces apparences négatives. Ce que je recommande toujours, c’est de discerner si les actions posées sont adaptées aux besoins en jeu (car parfois, ce n’est pas le cas). Et si la réponse à cette question est positive, j’encourage la personne à persévérer avec les mêmes actes, jusqu’à ce que des bénéfices positifs apparaissent dans sa vie, grâce à ces changements…
Le mois prochain, je poursuivrai l’énumération d’autres conditions favorables à la guérison…

Jean-Jacques Crèvecoeur

Physicien et philosophe de formation, Jean-Jacques Crèvecoeur promeut une approche pluridisciplinaire de l’être humain pour redonner du sens à ce que nous vivons, mais aussi et surtout pour favoriser chez chacun de nous la reprise en main de notre propre vie, de manière autonome et responsable. Formateur et conférencier de renommée internationale, il est auteur d’une dizaine d’ouvrages, réalisateur de documentaires et producteur de nombreux outils pédagogiques au service de l’ouverture des coeurs et des consciences.

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