Avez-vous vu la séquence au journal télévisé hier soir ? La scène est filmée au Liberia et montre un homme pourchassé par des ambulanciers vêtus de ces ridicules combinaisons anti-ébola en plastique vert et jaune (ridicules, parce que des gants et un masque suffiraient amplement au personnel médical pour se protéger d’un virus finalement peu transmissible). Le pauvre bougre s’est échappé d’un hôpital voisin et les infirmiers l’embarquent de force dans un véhicule de l’UNICEF . Curieusement, les images de France 2 ont été expurgées d’un passage montré à la télévision belge : on y voit un femme en colère crier que les Libériens sont désespérés « parce qu’ils ont faim et soif » . Dans la suite de la séquence, un porte-parole de Médecins sans Frontières déclare que l’épidémie est hors-contrôle et que MSF manque de moyens pour lui faire la guerre. Quelle éclatante et cruelle démonstration de la tragédie en cours : une maladie clairement imputable à la misère, au manque d’eau propre et de nourriture, est en train de se répandre sans que les instances sanitaires s’attaquent à ses véritables causes. Tout ce qu’elles réclament, ce sont des infrastructures et des renforts en personnel dotés de « compétences chimiques et biologiques », autrement dit de médicaments et de désinfectants. Il y a quelques jours, j’ai lu aussi l’interview d’une toubib travaillant pour MSF en Afrique de l’Ouest : elle raconte que des rumeurs folles circulent à propos de l’épidémie , et notamment que la maladie frapperait les familles en grande difficulté financière. Une rumeur, vraiment ? Il est au contraire très plausible que le virus Ebola, qui affecte le foie et les reins, prospère dans ce type de contexte psycho-social. Le rôle du « terrain » est aveuglant mais la médecine blanche dominante est en train d’imposer sa vision antivirale qui ne va rien résoudre du tout. D’autres germes « provoqueront » encore des ravages rénaux et hépatiques là où les gens manquent des facteurs de santé naturelle les plus élémentaires, à savoir de quoi boire et manger.
Que faire ? J’ai au moins une suggestion : ne pas donner d’argent à MSF, qui est pour moi une multinationale médico-pharmaceutique déguisée en ONG, mais réserver vos dons à des organisations beaucoup moins médiatiques qui oeuvrent vraiment au développement des populations locales. Je vous recommande par exemple l’association Frères des Hommes, où j’ai travaillé comme objecteur de conscience il y a 30 ans. À l’époque déjà, notre travail de fond était gâché par ces grosses machines pseudo philanthropiques qui profitent des situations d’urgence pour exporter un modèle médical néocolonial. Et sinon ? J’ai une autre idée à suggérer : agir ici, à notre modeste niveau, pour s’opposer la vision pasteurienne de la vie et pour enrayer la paranoïa antiseptique qui se répand de plus en plus dans nos pays industrialisés. Deux petits exemples de cette phobie irrationnelle envers l’univers microbien : la psychose du basilic frais et la défiance envers la « Fish pédicure ».
La semaine dernière, la presse belge s’est fait l’écho d’un mémoire étudiant montrant que les feuilles de basilic frais vendu dans le commerce étaient souvent porteuses de la bactérie Escherichia Coli. Et donc qu’il fallait fuir la plante condimentaire ou la laver à grandes eaux (chlorées, bien entendu) pour éviter le grand péril bactérien, lequel se résume à quelques maux de ventre chez les personnes à la flore intestinale appauvrie. Franchement, ils n’ont rien de plus intéressant à faire dans les universités ? Perso, je vais continuer à ciseler mon basilic bio sur mes salades de tomates bio sans me soucier le moins du monde de cet avertissement absurde. Il y a deux semaines, c’est une autre mise en garde tout aussi stupide que j’ai lue sur un site de santé très populaire : il faudrait avoir peur de « la Fish pédicure », c’est-à-dire de cette pratique à la mode consistant à plonger ses pieds de 15 à 30 minutes dans un bassin d’eau peuplé de petits poissons qui se nourrissent des peaux mortes. Le danger ? On pourrait contracter de redoutables agents infectieux, et notamment le terrible staphylocoque doré dont une seule étude indique qu’il aurait affecté… un seul patient ayant offert ses panards aux petites ventouses buccales du « Docteur Poisson ». Certes, je veux bien admettre qu’aucune étude scientifique solide n’atteste que cette tradition orientale serait performante dans le traitement des maladies cutanées. Mais il y a quand même beaucoup de témoignages en ce sens, par exemple chez des patients souffrant d’eczéma et de psoriasis. Et sur le plan purement esthétique, il ne fait guère de doute que les mini-poissons voraces opèrent des « peelings » très efficaces. Alors, va-t-on interdire cette méthode douce sous prétexte d’hygiène ? C’est déjà le cas dans de nombreux états aux Etats-Unis. Et chez nous, en France et en Belgique, les autorités de santé publique ont récemment émis des avis négatifs qui pourraient déboucher prochainement sur une prohibition. Je vous incite à manifester votre désaccord envers cette éventuelle mesure policière qui vous priverait de la liberté d’essayer la pédicure poissonnière.
En ce qui me concerne, c’est déjà fait et je vous le dis comme je le pense : c’est absolument génial ! J’ai découvert cette technique séculaire lors d’une escapade familiale au parc Pairi Daiza (ex-Paradisio), ce magnifique parc zoologique belge qui vient d’accueillir deux pandas chinois. Mon épouse, ma plus jeune fille et moi-même, avions marché toute la journée par une température caniculaire. On était fourbus, on avait les pieds en compote et on s’est payé ce petit moment de détente podale avant de reprendre la route. Incroyable ! Après quinze minutes de ce bain de pieds au milieu des petits poissons qui vous chatouillent les orteils, nous sommes ressortis frais comme des gardons ! Envolée la fatigue de la marche, disparue l’envie de s’asseoir et de ne plus bouger ! L’effet était tel que nous aurions volontiers refait deux tours complets du parc si les grilles n’allaient pas fermer. Pour l’avoir vécu, je ne peux donc pas croire que les bienfaits de cette pédicure soient seulement dermatologiques. On dirait qu’en nous délestant de nos peaux mortes, les petits poissons nous prodiguent aussi un soin plus profond qui réveille des énergies insoupçonnées. C’est en tout cas mon expérience, et je la rééditerai à la première occasion si la paranoïa antiseptique n’a pas, d’ici-là, contaminé les cerveaux qui nous gouvernent. Lutter chez nous contre la hantise des microbes est une manière solidaire de compatir à la souffrance des Africains ostracisés. Qu’elle soit antivirale ou antibactérienne, l’hygiène biocidaire n’est pas et ne sera jamais une solution de santé globale.
Yves Rasir
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