Le scénario était prévisible : après avoir semé la panique à tout vent en nous présentant le virus Ebola comme une méga bombe atomique capable de ravager le globe, les médias diffusent ensuite les infos faisant miroiter son désamorçage facile et rapide. C’est comme dans les films hollywoodiens : les méchants s’emparent de l’arme fatale, ils vont détruire la planète, il est cataclysme moins une seconde, mais les gentils parviennent quand même à éviter l’apocalypse de toute justesse. Quand le grand péril est une épidémie, le rôle des héros qui sauvent l’humanité est évidemment tenu par de brillants savants dont les géniales découvertes arrivent à point nommé. En l’occurrence, mon journal de ce matin m’informe que des chercheurs américains et canadiens auraient trouvé un médicament très efficace contre Ebola, ou du moins contre un de ses cousins proches (la souche Marburg-Angola). De là à espérer un heureux dénouement pharmaco-médical, il y a un pas que mon quotidien franchit assez prestement. Quitte à jouer les rabat-joie, il me semble cependant que mes confrères confondent allègrement traitement miracle et très probable mirage.
Mon scepticisme repose d’abord sur le stade actuel de la « chasse au médicament ». Il n’est pas encore question d’un remède éprouvé, mais seulement d’une molécule (baptisée poétiquement NP-718m-LNP) qui serait capable d’arrêter la réplication du virus. Il y a eu des tests positifs in vitro, des essais sur des cobayes, et enfin une expérience sur des macaques qui se serait soldée par 100% de réussite : tous les singes qui ont reçu le médicament ont survécu et les autres sont morts. Victoire ? Ce n’est pas comme ça que fonctionne la science. Il faut encore que les études soient reproduites dans d’autres laboratoires et que le traitement soit cliniquement testé sur l’Homme. Or ce qui marche sur des cellules en éprouvette, sur des rongeurs et même sur des primates ne s’avère pas nécessairement valable avec les êtres humains. Au demeurant, les macaques de l’expérience canado-américaine ont reçu le remède 72 heures après leur infection alors que pour Ebola, l’incubation dure jusqu’à 21 jours. Si ça se trouve, la molécule miraculeuse ne sera d’aucune utilité dans la réalité. Un autre détail de l’expérimentation animale est assez curieux: alors que les filovirus sont réputés hautement transmissibles, les macaques ont été contaminés par injection. Autrement dit, on leur a administré le microbe de manière totalement artificielle avant de les soigner par un procédé totalement artificiel puisqu’il s’agit d’un médicament obtenu à la fois par bricolage transgénique et par nanotechnologie. Si ça tombe, le succès remporté au labo sera, lui aussi, un artifice qui fera long feu !
Je suis également dubitatif parce que je possède un peu de mémoire et que je garde toujours un œil sur le rétroviseur. Il y a six ans, lors de la pseudo-pandémie de grippe porcine, il y a déjà une firme pharmaceutique qui avait sorti un magnifique lapin de son chapeau. En l’occurrence, le gros laboratoire Roche avait réussi à fourguer des tonnes de Tamiflu aux gouvernements affolés par la grande menace virale inventée de toutes pièces. Ce qui a été peu rapporté dans la presse, c’est que la multinationale suisse avait complètement bidonné les études et que le médicament n’avait aucune espèce d’efficacité. Il aura fallu le long et courageux combat du British Medical Journal pour que la fraude soit découverte et que la vérité éclate . Sommes-nous en présence d’une pareille escroquerie de la part de la petite entreprise canadienne qui s’est alliée à l’université du Texas pour développer le NP-718m ? Je ne vais pas jeter la pierre, mais je trouve normal de faire mon Saint-Thomas. D’autant que la société en question s’appelle Tekmira, un nom qui semble prédestiné pour fabriquer des faux miracles et de vrais mirages.
Si je demande à voir, c’est aussi parce que ce médicament providentiel n’a encore franchi aucune étape du processus habituel de mise sur le marché. On ne sait pas s’il va marcher, et on ne sait rien non plus de ses conséquences à long terme. Le phénomène de biorésistance pourrait très rapidement transformer l’antiviral en échec magistral et ses effets secondaires pourraient s’avérer pires que le mal. Ce qui est, à mon avis, beaucoup plus inquiétant que la fièvre Ebola, c’est la hâte avec laquelle l’OMS vient d’autoriser le recours à un sérum expérimental. En invoquant l’urgence et la gravité de la situation, cette institution largement contrôlée par l’industrie serait bien fichue de bafouer une nouvelle fois les règles éthiques au profit des actionnaires de Tekmira, mais sans doute au détriment des malades. Car on va tout droit vers un remake du thriller Sida : dès que sa cause prétendument virale a été révélée, cette maladie a été combattue en recyclant l’AZT, un médicament anticancéreux abandonné en raison de son effroyable toxicité. Résultat : les séropositifs ont commencé à succomber en masse et c’est seulement l’avènement des trithérapies (avec dosage fortement revu à la baisse de l’AZT) qui a ralenti l’hécatombe. Sur le sida et son business sinistre, la revue Néosanté vous a déjà amplement informés. On espère ne pas devoir remettre le couvert avec Ebola et un antiviral du même acabit qui participerait lui aussi à l’affaiblissement de l’immunité et renforcerait ainsi le fléau infectieux. Mais nous ne sommes pas dupes : les chances qu’une telle mystification médico-scientifique se reproduise sont encore très élevées.
Quand bien même NP-718m ne serait pas aussi iatrogène que l’AZT et quand bien même ce médoc « révolutionnaire » ne ferait pas flop, le miracle resterait un mirage dans la mesure où le curatif l’emporterait sur le préventif. Tant qu’on ne s’attaquera pas aux vraies causes des épidémies frappant le Tiers-Monde, toutes les victoires seront provisoires et toutes les guerres seront perdues. Ce qui crève les yeux avec le virus Ébola, c’est qu’il sélectionne ses victimes parmi les populations les plus déshéritées, celles qui souffrent de la misère, de la malnutrition, du manque d’hygiène et - c’est le cas en Afrique de l’Ouest – d’un déchaînement de la violence sous forme de conflits armés s’accompagnant d’atrocités abominables. Ce n’est pas de vaccins ni de médicaments faussement miraculeux dont ont besoin les damnés de la terre. Ce qui leur manque cruellement, c’est de l’eau propre, une nourriture en quantité et en qualité suffisantes, des infrastructures sanitaires dignes de ce nom et – surtout, surtout – le silence des fusils. Rien de plus pathogène que la hantise de périr par la haine. Le monde en général a moins besoin de Nobel de médecine que d’artisans de paix. Penser le contraire, c’est se laisser prendre au piège des miracles imaginaires.
Yves Rasir
|
L’envers des médailles
Si l’actualité Ebola n’avait pas une nouvelle fois bousculé mes projets, je voulais initialement vous parler du championnat d’athlétisme qui vient de se dérouler à Zurich. Le bilan de la France (29 médailles, dont 9 en or) contraste singulièrement avec celui de la Belgique( une seule médaille…de bronze). Pourquoi ce grand écart qui ne tient pas seulement à la taille des deux pays ? Les commentateurs y sont allés de leurs explications, mais il y en a une qui a retenu mon attention : l’ambiance dans l’équipe de France était excellente tandis que dans la délégation belge, le climat était vicié par une querelle opposant la fédération à la famille Borlée. Pour info, les jumeaux Kevin et Jonathan Borlée sont des champions du 400 m. Tant en relais qu’en compétition individuelle, les « twins » devaient nous ramener plusieurs breloques. Pour info toujours, c’est le papa Jacques Borlée qui entraîne ses fistons et qui coache le relais 4 x 400. À Zurich, Kevin ne s‘est pas qualifié pour la finale, Jonathan s’est blessé avant celle-ci et un autre coureur du relais s’est lui aussi claqué à l’échauffement. Dans une interview au Soir, le père Borlée a déclaré que, selon lui, la pression psychologique était devenue insupportable et que ses protégés la somatisaient en perdant la forme et/ou en se blessant. Certes, ce n’est pas nouveau que la psychologie soit associée aux performances sportives. Mais il me semble neuf qu’un expert en la matière énonce que les conflits psychiques peuvent déboucher sur des pépins physiques. À quand la prévention des entorses et des élongations par le décodage biologique ? Dans le prochain numéro de la revue Néosanté, l’ostéopathe Matthieu Corsaletti décode les pathologies de la cheville et raconte que les muscles et les articulations somatisent facilement la peur de perdre ou le sentiment de ne pas être à la hauteur. Et en trois ans d’existence, d’autres articles de notre mensuel ont bien montré que les « accidents » sportifs ne survenaient pas par hasard mais qu’ils trouvaient leur origine dans le vécu psycho-émotionnel. Allez, je ne doute pas que les pontes de la fédération belge d’athlétisme vont acheter toute la collection de Néosanté (conditions spéciales ci-dessous) et que dans 4 ans, nous allons imiter la France et épater l’Europe ! (Y.R.)
|