SUICIDES & TENTATIVES DE SUICIDE (II) La logique du symptôme

Le mois dernier, j’ai dit pour l’essentiel que la grande inconnue à ce sujet est de savoir ce qu’il en est vraiment puisqu’il a quatre cas de figure : la tentative de suicide réussie (on reste en vie) ou ratée (on meurt ‘accidentellement’) ; et le suicide réussi (on meurt) ou raté (on survit ‘accidentellement’). Seule la personne concernée connaît la vérité et peut la dire si elle a survécu.

Le suicide (suite)

Il y a bien des raisons de vouloir en finir, des plus honorables aux plus scandaleuses. La plus évidente est d’échapper à la douleur physique et/ou à une souffrance morale si forte que la mort semble préférable. D’ailleurs, en France, 30 % des décès par suicide concernent la tranche d’âge supérieure à 65 ans, celle du vieillissement, de la maladie, du veuvage, de la solitude et de l’ennui de vivre. Fréquemment aussi, on se suicide pour échapper à la misère.

Mais souvent, on met fin à ses jours pour échapper à la sanction, réelle ou symbolique, pénale et/ou morale. On peut se suicider pour échapper à la Justice et/ou à l’indignité : par exemple dans mon petit village, un père incestueux s’est dernièrement suicidé à l’instant même de l’arrivée des gendarmes venus l’arrêter. Ce cas de figure fait souvent la ‘une’ de l’actualité. Parfois, la faute est insignifiante ou l’accusation infondée : par exemple, un professeur s’est pendu car accusé à tort d’attouchements sexuels par une élève voulant se venger de lui.

On peut se suicider pour échapper à la honte ou au déshonneur, le cas le plus célèbre de l’Histoire de France étant celui de François Vatel, le cuisinier du roi Louis XIV. Il s’est suicidé avec son épée le vendredi 21 avril 1671 parce que la veille, le souper royal n’était pas parfait et surtout parce que ce jour-là, le poisson n’a pas été livré à temps. C’est aussi le cas d’un homme politique n’ayant pas supporté que son homosexualité soit révélée par la presse ; ou d’un cadre ayant fait perdre beaucoup d’argent à son entreprise.

On peut se suicider pour échapper au déshonneur familial : par exemple un père n’a pas supporté de voir son nom en première page du journal du fait de l’inculpation de son fils dans une affaire d’escroquerie très médiatisée. Dans sa lettre d’adieu il dira : « Mon nom est sali à jamais ». On peut se suicider pour laver son honneur et/ou celui de sa famille, éventuellement de façon rituelle, comme dans le cas du hara-kiri.

On peut se suicider pour échapper à la culpabilité : une mère dont l’enfant est décédé accidentellement à cause d’un défaut de surveillance a préféré la mort plutôt que de porter sa faute ad vitam ; idem pour un aiguilleur du ciel responsable d’une catastrophe aérienne ayant fait beaucoup de victimes.

On peut se suicider pour ne pas laisser une image dégradée de soi : cela concerne de nombreuses personnes âgées, surtout si elles souffrent d’une maladie dégénérative. C’est le cas du père d’une amie lorsqu’il a su qu’à court terme il deviendrait grabataire. On peut se suicider car ne supportant pas un aspect de soi et/ou une pulsion, le plus souvent liés à la sexualité : beaucoup de personnes homosexuelles sont concernées.

On peut se suicider ‘sacrificiellement’ pour diverses raisons, par exemple pour ne pas être un fardeau et/ou pour ne pas ruiner sa famille en frais médicaux ; ou avant d’être torturé pour ne pas risquer de parler et dénoncer le réseau ou l’organisation auquel on appartient ; ou pour protéger sa famille. C’est le cas du Maréchal Rommel car impliqué dans l’attentat contre Hitler en Juillet 1944. Des officiels de la Gestapo se sont présentés à son domicile et lui ont accordé un quart d’heure pour se suicider contre la promesse que sa famille serait épargnée.

On peut se sacrifier pour dénoncer un fait ou défendre une cause en attirant l’attention des médias, en général en s’immolant par le feu pour que cela ait plus d’impact. On peut aussi se sacrifier en kamikaze pour tout à la fois défendre une cause, montrer son courage et éventuellement pour plaire à Dieu.

Enfin on peut se suicider pour se venger de l’autre : c’est le cas d’un jeune homme éconduit par une femme qui s’est fait sauter la cervelle sous ses yeux. Juste avant de presser la détente, il lui a dit : « Tu auras ma mort sur la conscience ». On trouve aussi dans les annales judiciaires des cas de suicide orchestrés de telle sorte que la personne dont on veut se venger soit accusée de meurtre.

Cela dit, on peut avoir une excellente raison d’en finir et en être capable mais ne pas se le permettre pour diverses raisons, pour ne pas faire de la peine à ses proches ou par crainte d’une sanction post mortem, plus particulièrement celle de Dieu et des flammes de l’enfer ad aeternam.

La tentative de suicide

Rien qu’en France, on en recense 220.000 par an et il est toujours difficile de déterminer s’il s’agit d’une tentative réussie, et donc d’une mise en scène, ou s’il s’agit d’un suicide raté, la médecine sauvant de nombreuses personnes ayant réellement eu l’intention d’en finir. Seul(e) l’intéressé(e) le sait. Alors, dans le doute, on en parle comme d’un appel au secours et on accorde à la personne le statut de victime. C’est être bien naïf dans la majorité des cas : ce sont plutôt des bourreaux qui torturent leurs proches.
Le plus souvent, c’est un message à l’adresse de l’autre pour attirer son attention et/ou/donc pour faire pression sur lui. Au mieux, c’est un acte de séduction pour se faire aimer ; au pire, c’est du terrorisme relationnel pour contraindre l’autre ; et parfois, même l’objectif est de le faire souffrir pour se venger de lui. Sans parler du chantage au suicide. Pour ma part, j’appelle tout cela de l’escroquerie.
Il y a même des artistes de la tentative de suicide : je connais une personne qui en collectionne déjà une bonne vingtaine, toujours parfaitement orchestrées puisqu’elle est infirmière de profession et qu’elle sait donc quels médicaments utiliser et à quel dosage. Elle pratique son art dès qu’elle se sent un peu seule, afin que ses proches se préoccupent d’elle. Ils sont évidement excédés par cette attitude, mais continuent à collaborer pour n’avoir rien à se reprocher si jamais un jour survient un accident.

À suivre

S’il est attristant qu’autant de gens souffrent au point de mettre fin à leurs jours et s’il faut aider les personnes suicidaires ou ayant fait une véritable ou pseudo-tentative de suicide, peut-être faudrait-il aussi aider leurs familles qui en ont bien besoin. J’en parlerai le mois prochain.

Laurent Daillie

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