La grande amie de la prostate

Yves Rasir

Véritable fléau moderne, le cancer de la prostate est le plus fréquent des cancers dans les pays occidentaux.  En France, environ 57.000 nouveaux cas sont enregistrés par an. Et c’est le 5e cancer le plus mortel, avec près de 9.000 décès chaque année. Bien sûr, cette inflation de diagnostics provient en bonne partie du dépistage systématique avec dosage du PSA (antigène spécifique), une méthode largement décriée mais toujours pratiquée à grande échelle. Et la létalité de cette pathologie cancéreuse découle essentiellement de son sur-traitement par rayons, chimios et  interventions chirurgicales. Si on ne les détectait pas frénétiquement et si on leur foutait la paix, la plupart des tumeurs prostatiques ne feraient pas parler d’elles et une majorité de patients mourraient d’une autre cause. Ce scandale iatrogénique vous a été amplement décrit dans la revue Néosanté.  Ce que vous ne savez peut-être pas encore, c’est que  les recommandations de prise en charge actuelles dérivent de travaux menés il y a près de 90 ans, dans les années 1930, par  un certain Charles Huggins.  Auréolé du prix Nobel de médecine en 1966, ce physiologiste américain d’origine canadienne avait découvert que l’évolution du cancer était ralentie en bloquant la sécrétion hormonale des testicules. On décréta donc qu’il fallait castrer chirurgicalement  ou chimiquement tous les hommes porteurs d’une tumeur de la prostate. 
 
Il est vrai que le raisonnement se tient : quand ce type de cancer est très avancé, la testostérone agit comme de l’huile sur le feu. On s’est cependant aperçu que l’effet positif de la castration était transitoire. Couper le robinet testiculaire n’offre qu’un répit temporaire et la cancérisation finit par reprendre sa progression. Par ailleurs, à l’époque où Huggins a développé sa théorie, la majorité des cancers prostatiques étaient repérés au stade invasif.  Aujourd’hui, le dépistage de masse fait que 90% d’entre eux sont diagnostiqués alors qu’ils sont toujours localisés et ne représentent pas de menace. Chez cette majorité de patients, la testostérone ne fait pas de tort et elle aurait même des vertus. C’est en tout cas l’hypothèse émise par le Pr Henry Botto, ancien chef du service d’urologie de l’hôpital Foch, en banlieue parisienne. Avec ses collègues, ce praticien  a lancé la grande étude Androscan, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Hormones and Cancer. Les chercheurs ont recruté plus de 1.300 hommes qui allaient être opérés en France d’un cancer de la prostate localisé. L’analyse des données recueillies (dosage minutieux de la testostérone, examen de la prostate retirée) montre que 50% des hommes hygonadiques (qui pâtissent d’un déficit en testostérone) présentent une forme agressive du cancer, alors que cette proportion n’est que de 30% chez les autres. Autrement dit, l’hormone mâle est l’alliée du cancéreux au lieu d’en être l’ennemie, du moins tant que la tumeur n’est pas disséminée. Dans une nouvelle phase de l’étude, qui sera lancée cette année, Henry Botto entend démontrer que l’apport de testostérone après une ablation de la prostate n’augmente pas le risque de récidive du cancer, ce qui achèverait d’innocenter et de réhabiliter l’hormone de la virilité. Pour l’urologue, une simple surveillance active reposant sur des examens réguliers doit suffire pour les hommes atteints d’un cancer localisé non agressif, qui risque très peu d’évoluer ou alors très lentement.  
 

Cette attitude est d’autant plus sage que les traitements anti-hormonaux peuvent induire des effets secondaires lourds : troubles de l’érection, prise de poids, baisse de densité osseuse, perte de force musculaire, troubles de l’humeur ou risque accru de diabète. Selon une étude parue en 2015 dans la revue Journal of Clinical Oncology, les hommes qui suivent ces traitements seraient aussi presque deux fois plus nombreux à développer la maladie d’Alzheimer. Bilan : « la mortalité induite par cette castration médicale est au moins équivalente à celle du cancer lui-même » estime le Pr Botto. Pour ces mêmes raisons, il juge que les autorités sanitaires devraient autoriser la supplémentation en testostérone dans certains cancers de la prostate, mais aussi de façon générale chez l’homme âgé, dont le taux d’hormones diminue progressivement. Le professeur appelle ses confrères à mener des recherches pour démontrer que l’apport en testostérone améliore la qualité de la vie, atténue un tas de symptômes du vieillissement et facilite le contrôle du diabète et la prise en charge de l’obésité. Mais pourquoi miser sur un remède pour remplir cette mission salutaire ? En novembre 2017 (Néosanté N° 72), nous avons publié un article divulguant que le taux de testostérone endogène pouvait très bien  se stimuler naturellement. Moult études indiquent en effet que les hommes carencés en hormone mâle peuvent retrouver leur vigueur glandulaire s’ils adoptent de nouvelles habitudes de vie. Sur le podium des lauréates, figurent l’activité physique, l’alimentation saine et la relaxation. Le trio « sport-diététique-gestion du stress » profite également aux femmes qui, si elles en produisent beaucoup moins que les hommes, secrètent également de la testostérone via leurs ovaires et leurs surrénales. En se substituant aux glandes endocrines, la testostérone médicamenteuse  pousse  ces dernières à la paresse et  les consommateurs/trices ne peuvent rapidement plus s’en passer. La complémentation bénéficie surtout aux labos pharmaceutiques qui en fabriquent…

 
Il fut un temps où je n’avais pas conscience de cette arnaque endocrinologique. Dans la trentaine, j’ai fait partie de la patientèle d’un médecin bruxellois en pointe dans ce domaine. Ce futur « pape » mondial  de la médecine anti-âge m’avait persuadé que la testostérone de synthèse,  à doses physiologiques et dans une formule fidèle à la molécule naturelle, me ferait le plus grand bien.  Quand je lui expliquai que je ne ressentais aucun changement, il me soupçonna de ne pas me plier à la posologie optimale. Et quand je lui relatai des symptômes bizarres,  notamment une résurgence d’acné, il ne vit pas le rapport. J’ai mis fin à l’expérience et ne m’en suis pas plus mal porté. Idem pour la DHEA, cette hormone à la mode qui atténue peut-être les signes de l’andropause  mais qui n’a jamais prouvé ses bienfaits chez l’homme plus jeune. Mon régime alimentaire et mes loisirs sportifs (eux-mêmes relaxants et déstressants) ont suffi pour traverser trois décennies sans gros soucis de santé. Ma prostate semble en pleine forme puisque, contrairement à beaucoup d’amis de mon âge, je ne dois jamais me lever la nuit pour uriner. Je n’ai jamais consulté de proctologue et ne réponds jamais aux appels à dépistage, mais je me pense à l’abri de l’hypertrophie et du cancer grâce à mon mode de vie « testostérone-friendly ». Ceci dit, je ne jette pas la pierre au Pr Botto : la béquille hormonale peut probablement aider les personnes gravement malades. Si vous allez lu jusqu’au bout l’ouvrage du Dr Ceulemans (voir mon infolettre du 6 mars), vous aurez noté que de son côté,  ce médecin génial prescrivait de la prednisolone (un corticostéroïde) à ses patients cancéreux, et qu’il obtenait des rémissions prolongées.  Quand les surrénales  atrophiées et les gonades dysfonctionnelles ne génèrent plus assez d’hormones, un appoint extérieur peut s’avérer salvateur. En dehors de cette urgence vitale, les individus des deux sexes peuvent tabler sur leur pharmacie intérieure pour s’auto-approvisionner en androgènes. Les porteurs de prostate profiteront particulièrement  d’une sécrétion accrue de leur meilleure amie, la testostérone,  désormais reconnue comme un élixir de vie. 

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