Éditorial n°64

Le dernier cadeau de Guy Corneau

Dans notre numéro de janvier, nous avions cité Guy Corneau en introduction au dossier sur la joie. Un mois plus tard, c’est avec une grande tristesse que nous mentionnons à nouveau son nom puisque le célèbre psychanalyste canadien est décédé le 5 janvier dernier à Montréal. Je me souviens l’avoir interviewé pour la première fois il y a presque 30 ans, lors de la sortie de son livre « Père manquant, fils manqué ». Cet ouvrage reste à mon sens le plus audacieux et le plus judicieux de tous ceux que Guy Corneau a publiés. Par la suite, j’ai eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises et d’apprécier son extrême gentillesse, la pertinence de sa pensée et les multiples facettes de son talent. Son principal apport au monde de la santé et du développement personnel restera probablement d’avoir mis à portée de ses lecteurs et auditeurs les concepts de la psychologie jungienne. Tout comme Carl Gustav Jung, Guy Corneau était animé par la vibrante conviction que nos maladies sont des efforts de la nature pour nous guérir. Lorsqu’il a développé son triple cancer, j’ai su que le psy québécois avait décidé de mettre toutes les chances de son côté en explorant des approches alternatives, dont notamment la biologie totale du Dr Claude Sabbah. Il a suivi des formations données par le médecin marseillais et il a travaillé avec lui le décodage de ses conflits. Je n’ai donc pas été très étonné qu’il s’en sorte et qu’il raconte ce parcours de guérison dans son avant-dernier best-seller « Revivre ! », sorti en 2010. Je ne sais plus dans quelle mesure ce bouquin a influencé ma décision de créer la revue Néosanté, mais je me souviens avoir absolument voulu que son auteur soit la première personnalité rencontrée par notre intervieweuse Carine Anselme. Et je me souviens avoir éprouvé une grande joie en apprenant que Guy acceptait d’inaugurer avec nous le premier numéro du mensuel, en mai 2011 (*). Comme il symbolise un peu la naissance de Néosanté, c’est toujours sa photo en couverture qui sert d’image à nos propositions d’abonnement. C’est dire si nous avons perdu le 5 janvier quelqu’un que nous estimions beaucoup et dont nous nous sentions proches.

Une proximité qui n’exclut pas la distance envers certaines de ses opinions et certains de ses choix. Selon moi, Guy Corneau a manqué trois fois de discernement dans son cheminement thérapeutique. D’abord, comme il le raconte dans son livre et dans l’entretien qu’il nous avait accordé, il a interrompu son travail de décodage avec Claude Sabbah lorsque ce dernier l’a orienté vers un problème de relation au père. Il a adhéré à l’explication de la cancérisation de sa rate et de ses poumons, mais il a « calé » sur l’origine possible de sa tumeur à l’estomac. En bloquant devant cette piste interprétative, Guy Corneau a négligé le fait qu’un malade est souvent aveuglé par ses traumas et que le regard d’un thérapeute expérimenté est parfois nécessaire pour y voir plus clair. La psychanalyse et la déprogrammation biologique, ce n’est pas exactement la même démarche. Qui sait si son lymphome gastrique n’a pas été réveillé par un traumatisme relatif à la paternité ? Sa deuxième erreur, à mon avis, c’est de s’en être remis à la cancérologie classique pour se soigner. Tout en affirmant avoir considéré sa maladie comme une amie, il s’est soumis à la radiothérapie et à une chimiothérapie extrêmement toxique pour les cellules saines. Et tout comme un David Servan-Schreiber exténué par les opérations et les rayons, il est sorti très éprouvé par les bombardements chimique et nucléaire de son organisme. Guy Corneau est à mes yeux une nouvelle victime du mythe de la chimio salvatrice et du mirage de la médecine dite intégrative. C’est certes une bonne idée d’intégrer des thérapies parallèles aux protocoles conventionnels. Mais pourquoi tant de confiance envers l’oncologie officielle ? Et pourquoi – c’est mon troisième reproche – a-t-il misé sur des techniques douces peu efficaces contre le cancer (homéopathie, visualisation, méditation…) alors que la seule méthode naturelle dont les effets curatifs sont éprouvés est l’activité physique intensive ? Dans l’univers un peu New-Age où évoluait Guy Corneau, les immenses vertus du sport et de la sudation demeurent malheureusement trop ignorées.

Nonobstant ces trois points de discorde, je reste profondément admiratif de l’œuvre de Guy Corneau. Il n’a pas peu contribué à édifier une conception globale de la santé et à ouvrir les consciences sur les causes psycho-émotionnelles des pathologies. À cet égard, je vois son décès prématuré comme un dernier cadeau, un ultime et involontaire message à ceux qui douteraient de l’influence de l’esprit sur le corps et de l’impact pathogène des affects. Le cœur de l’auteur de « La guérison du cœur » a en effet lâché quinze jours à peine après la mort de sa sœur, l’artiste-peintre Corno. Il était très affecté par ce départ brutal qui a coïncidé, chez lui, avec une sévère flambée auto-immunitaire rapidement fatale. Là où il est, notre cher Guy connaît le lien probablement étroit entre son ressenti de perte et son décès. Là où nous sommes, en sa mémoire et en réponse au sous-titre (Nos souffrances ont-elles un sens ?) de son livre précité, nous allons continuer à œuvrer pour mettre en évidence la logique de vie nichée au cœur des maladies. Goodbye good Guy.

Yves RASIR

(*) Vous pouvez ( re)lire cette interview sur notre site puisque le n° 1 de Néosanté est téléchargeable gratuitement à partir de la page d’accueil.

Revue disponible à la pièce dans la boutique:

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