Éditoral n°74

Guy Corneau : de l’héritage au déballage

Un an déjà que Guy Corneau nous a quittés. Comme je l’ai écrit ici même en février dernier, ce départ inopiné ne pouvait manquer de nous affecter puisque le psychanalyste québécois était en quelque sorte le parrain de Néosanté. C’est avec lui en effet, en mai 2011, que nous avions « inauguré » notre mensuel en publiant un grand entretien où il racontait sa traversée du cancer et partageait sa vision de la maladie. Avec sa gentillesse coutumière, l’auteur de « Revivre » avait accepté d’accorder une interview à un journal dont il ignorait tout puisque nous n’avions même pas de « numéro zéro » à lui montrer. Il est vrai que l’intervieweuse envoyée à sa rencontre était une personne de confiance. Durant sa déjà longue carrière de journaliste et d’écrivaine spécialisée dans le mieux-être, Carine Anselme avait déjà interrogé Guy Corneau à de nombreuses reprises. Au fil de ces rendez-vous, une relation d’estime mutuelle s’était nouée entre le psy à succès et notre collaboratrice. Sans même enregistrer ses interlocuteurs, celle-ci possède le talent rare – et à mon avis inégalé – de coucher leurs paroles sur papier avec une absolue fidélité. Les dizaines d’auteurs rencontrés par Carine pour Néosanté se sont toujours réjouis de sa faculté à reproduire leurs propos sans les trahir et à résumer leur pensée sans la déformer. C’est donc tout naturellement à elle que nous avons demandé de rédiger un dossier dressant l’inventaire de l’œuvre de Guy Corneau au sujet de la santé. Intitulé « De l’hommage à l’héritage » (lire pages 6 et suivantes), ce texte est une sorte d’écrin où sont réunis les plus beaux joyaux de cet orfèvre en décryptage de l’âme humaine. Notre ultime coup de chapeau à l’homme courageux qui n’avait pas craint de s’intéresser au décodage biologique des maladies et d’en parler ouvertement.

De mon côté, il n’est cependant pas question de baisser le rideau sans revenir sur les circonstances de la mort de Guy Corneau. Dans mon édito sur « son dernier cadeau », j’avais glissé que la mort de sa sœur, quinze jours à peine avant la sienne, n’était probablement pas étrangère à la fulminante maladie du cœur qui l’a emporté le 5 janvier 2017. Mais je ne vous avais pas tout dit. Il y a un an, de deux sources différentes et concordantes, j’ai appris que l’auteur de la « Guérison du cœur » traversait une véritable tempête émotionnelle au moment de son décès prématuré. Une situation totalement dramatique qui éclaire encore bien plus lumineusement sa fatale pathologie cardiaque. Mais avant de vous révéler ce « grand secret », permettez-moi de justifier brièvement ma décision de l’éventer. Il y a douze mois, une de mes sources d’information m’a vivement conseillé d’attendre la fin du temps du deuil avant de déballer ce que je savais désormais. Ce que j’ai fait. L’autre source s’est insurgée contre mon intention de dévoiler publiquement des éléments de vie privée. Selon son opinion – que je respecte, mon intrusion allait immanquablement bafouer la mémoire du mort et blesser des survivants de son entourage. Au-delà du cas Corneau, ma source dissuasive m’a reproché d’avoir déjà « sauvagement décodé » des célébrités défuntes comme Steve Jobs ou David Servan-Schreiber. Que répondre à cela ? D’abord que le fondement du journalisme consiste à débusquer et dire la vérité, même et surtout si elle est dérangeante. Ensuite que je ne suis nullement motivé par le goût du scoop et la gloriole qui va avec. J’ai passé l’âge. Si je passe à l’acte aujourd’hui, c’est parce que je suis animé par la volonté farouche de diffuser au maximum la découverte majeure du Dr Hamer sur l’origine immatérielle des maladies. émettre des hypothèses sur les chocs psychiques somatisés par des disparus connus, ça fait partie de notre démarche informative. Enfin, je m’offusque à mon tour qu’il faille passer sous silence des faits importants relatifs à des personnalités, histoire de préserver leur réputation et/ou de protéger leur descendance. De nos jours, on ne peut plus ignorer que les traumas occultés et les sordides secrets de famille sont de puissants agents pathogènes transmis sur plusieurs générations. Briser les tabous et lever les non-dits sont un service rendu aux individus comme à la société.

Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Vous estimez que j’outrepasse ma mission en dévoilant la tragédie intime de Guy Corneau ? Alors, ne lisez pas les lignes qui suivent. Vous aurez ainsi le sentiment – que je respecte aussi – de réprouver mon impudeur. Après sa maladie, en 2011, le psychanalyste est devenu l’heureux papa d’un petit Nicolas. Jusqu’au jour où un ami médecin lui a fait remarquer que la chimiothérapie de son cancer l’avait forcément rendu stérile. Vérification faite, l’enfant n’était effectivement pas le sien et Guy Corneau a ainsi découvert l’infidélité de sa compagne. Comme si ce choc ne suffisait pas, les relations du couple séparé se sont dégradées et une contestation de paternité était en cours qui aurait pu arracher le fils à son « père de cœur ». En peu de temps, ce dernier a ainsi appris qu’il n’était pas le géniteur de son garçon chéri et que celui-ci allait peut-être être soustrait à son affection. Pouvez-vous imaginer la peine ressentie par les acteurs de ce scénario bouleversant, et singulièrement par ceux qui n’avaient rien à se reprocher ? Personnellement, je peux concevoir qu’un stress aussi violent suffise à déclencher une auto-immunité cardiopathique. C’est tellement bio-logique qu’il m’a paru impérieux de procéder à ce déballage aux allures de décodage. En hommage encore plus vibrant à notre parrain de cœur.

Si je vous demande quel est le contraire de la fragilité, sans doute que beaucoup d’entre vous me répondront « la solidité » ou « la robustesse ». C’est en tout cas ce que fait mon dictionnaire d’antonymes quand je l’interroge sur ordinateur, en me proposant aussi des mots comme « résistance », « force » ou « vigueur ». Ce n’est pas complètement faux, mais ce n’est pas vrai non plus car la fragilité qualifie une chose qui se fragilise encore davantage si on la soumet à un stress. Par exemple, un verre fendu risque plus sûrement de se casser au choc suivant. Un verre véritablement non fragile serait un verre qui devient plus résistant lorsqu’on le manipule sans ménagement. Il n’y a donc pas de vocable valable pour désigner l’inverse de la fragilité. Enfin, il n’y en avait pas jusqu’à ce que le substantif « antifragilité » soit inventé, il y a une dizaine d’années, par Nassim Nicholas Taleb. Statisticien et philosophe des sciences, cet écrivain américain d’origine libanaise exerçait naguère la profession de trader et il a été le seul de sa corporation à prévoir et anticiper la crise financière de 2008. Dans deux livres antérieurs à l’effondrement des banques et au krach boursier, il avait parfaitement (d)écrit ce qui risquait d’arriver à un système aveugle aux « cygnes noirs », c’est-à-dire aux événements improbables se produisant chaotiquement. Dans un troisième ouvrage paru en 2012 et intitulé « Antifragile », Taleb forgeait ce concept et développait sa pensée en expliquant qu’à vouloir protéger les empires bancaires et les grosses entreprises, les autorités en font des colosses aux pieds d’argile. Mais dans ce best-seller traduit en 33 langues, l’auteur au succès planétaire ne vante pas seulement les « bienfaits du désordre » et de la non-intervention étatique dans le domaine économique : il accuse aussi notre société moderne de ruiner la santé des individus en prétendant faire mieux que la nature.

Pour appuyer son argumentation, Nassim Nicholas Taleb se fonde sur la notion d’hormèse, autrement dit la capacité des êtres vivants à profiter de l’adversité pour s’adapter, se régénérer et croître harmonieusement. Et en guise d’illustration, il prend l’exemple de la musculation : l’effort imposé aux muscles les rend plus forts en raison des micro-déchirures occasionnées à la fibre musculaire. Sans ce minimum de stress, pas de musculature apte à mouvoir notre squelette, dont les os ont à leur tour besoin d’être sollicités pour acquérir densité et solidité. Et que dire du système immunitaire ? Aujourd’hui, on sait qu’il se construit en bonne partie en se confrontant aux microbes présents dans l’environnement. La fameuse « hypothèse de l’hygiène » postule que l’excès de propreté ne serait pas étranger à notre piètre immunité et à l’explosion contemporaine des allergies. Trop de confort et trop de défiance envers le microcosme microbien fabriquent des enfants fragiles alors que leur tendance instinctive est de progresser en résilience au contact de la nature. Non contente de brimer leur
« biophilie » spontanée, notre époque expose les petits d’hommes à un grand danger puisqu’elle use et abuse de produits biocides, rendant ainsi les bactéries de plus en plus antifragiles ! On l’aura compris : Taleb n’est pas tendre du tout avec la médecine occidentale officielle, dont il estime qu’elle bafoue les sages principes hippocratiques consistant à « d’abord ne pas nuire » et à se fier à la puissance guérisseuse de la nature. Pour lui, l’aptitude du corps humain à s’autoguérir est une
réalité attestée par le temps long de l’évolution. Les vertus du jeûne et l’utilité de la fièvre sont également des évidences que la science redécouvre mais que des millénaires de connaissance empirique ont déjà amplement démontrées. Sauf menace vitale évidente, il préconise carrément de fuir les médecins et de s’abstenir de toute médication pour rester en bonne santé ! Son maître mot ? La temporisation. À ses yeux, aucun traitement ne vaudra jamais la patience chez un patient suffisamment sain. Dans la lignée d’un Ivan Illich, Nasim Nicholas Taleb se pose en détracteur féroce de la (sur)médicalisation et d’un « art de guérir » dévoyé par des intérêts commerciaux. Il souligne à l’envi que les erreurs et la iatrogénie médicales font désormais plus de victimes que la maladie.

Comment échapper au piège et redevenir antifragile ? L’auteur du bouquin éponyme (une brique de 650 pages !) y partage quelques-unes de ses méthodes personnelles. Notamment la bonne habitude de ne pas petit-déjeuner (« aucun animal ne mange avant d’avoir chassé »), celle de fuir les aliments industriels pour leur préférer la nourriture originelle et les cuisines traditionnelles, ou celle de s’activer à bon escient en variant l’intensité et en privilégiant les mouvements fonctionnels. Le renoncement aux médicaments de synthèse et même aux compléments alimentaires (« Si une pilule du bien-être existait, la nature l’aurait inventée ») fait également partie de sa stratégie quotidienne. Dans son passionnant dossier consacré à l’antifragilité (lire page 6 et suivantes), Yves Patte relève que ce sont précisément les conseils dispensés depuis sa création par le mensuel Néosanté, et singulièrement à travers ses rubriques Paléonutrition et Naturo pratique. Non seulement nous sommes le premier journal de santé à en parler, mais l’antifragilité était déjà au cœur de notre projet rédactionnel avant même la naissance du mot. Vous avez dit avant-gardisme ?

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