Nos ancêtres jeûnaient aussi

Au paléolithique, on ne faisait pas bombance tous les jours. C’est pourquoi notre corps est adapté à des moments de privation. Jeûner par intermittence est une vraie fontaine de jouvence.

Au fil de cette rubrique « Paléonutrition », nous découvrons ce que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs mangeaient, et en quoi nos gènes sont encore adaptés à cette alimentation. Mais cela ne nous dit pas comment ils répartissaient leurs repas sur la journée.
Il est évident qu’ils n’avaient pas trois repas par jour, à heures fixes. La notion même d’ « heure » ou d’ « horaire » étant étrangère à de nombreuses sociétés pré-agricoles…Le fait d’être dépendant, chaque jour, de ce qu’on pouvait chasser, pêcher, cueillir, et le fait que nous ne pouvions pratiquement pas stocker et conserver la nourriture à long terme, font que notre alimentation devait davantage rassembler à des successions de moments de festin et de période de jeûnes.

Autophagie

Comme nous avons évolué dans cet environnement durant des millions d’années, nous devons, en toute logique, penser que notre corps est adapté à cette succession de moments de privation et d’apport calorique. Certains diront même que notre corps est particulièrement bien adapté à cette privation momentanée. Les scientifiques savent depuis longtemps qu’il n’y a qu’une manière prouvée d’augmenter l’espérance de vie d’animaux, en laboratoire, c’est la « restriction calorique » (restriction s’entendant au sens d’un apport moindre en calories par rapport à ce que l’individu mangeait avant, ou par rapport aux autres individus de son espèce et de son poids, sans tomber dans la malnutrition). La restriction calorique semble ralentir le processus de vieillissement en agissant au niveau cellulaire. Durant le processus de vieillissement, des radicaux libres (des produits secondaires de la « respiration » de nos cellules) causent des dommages sur notre fonctionnement cellulaire, en particulier sur les mitochondries qui, ne fonctionnant plus bien, se mettent à produire des protéines qui vont à leur tour endommager toute la cellule. La destruction des cellules, à l’échelle du corps, est en soi ce qu’on appelle le processus de vieillissement. Les cellules plus jeunes sont, elles, capables de se « recycler » et de se reconstruire : les mitochondries endommagées sont rapidement prises en charge, dégradées et recyclées pour reconstruire de nouvelles mitochondries. Ce recyclage est ce qu’on appelle
« l’autophagie ». Et beaucoup de scientifiques pensent que l’augmentation des risques de maladies avec l’âge est liée à une diminution de l’autophagie. C’est pourquoi les firmes pharmaceutiques cherchent actuellement des médicaments favorisant ce processus d’autophagie.

Jeûne intermittent

Pourtant, ce processus peut être déclenché quand l’apport en énergie à la cellule diminue. Celle-ci se consomme littéralement elle-même (autophagie), et elle porte son choix, en priorité, sur les matériaux endommagés. N’en déplaise à la société de consommation, la limitation de l’apport en calories a un intérêt pour la santé ! Et une manière de mettre en œuvre cette restriction calorique est le « jeûne intermittent », qui rappelle la succession de périodes de jeûnes suivies de périodes de festins. Comme il est prouvé que la restriction calorique peut retarder le vieillissement des fonctions cérébrales, plusieurs chercheurs ont exploré le lien qu’il pouvait y avoir entre le jeûne intermittent et la diminution de risques de développer des maladies comme celles de Parkinson, Alzheimer ou Huntington. Au niveau cérébral, le jeûne permettrait également de favoriser la production de corps cétoniques, des produits normaux du métabolisme des acides gras. Leur rôle est de libérer de l’énergie lorsque l’apport en glucides est trop faible. Et ces corps cétoniques pourraient protéger les cellules des dommages du vieillissement. Le jeûne intermittent favoriserait par ailleurs la production d’« adiponectine », une hormone produite par les tissus adipeux, qui diminuerait fortement les risques de diabète. L’adiponectine augmente la sensibilité à l’insuline du foie et des muscles. Au niveau du foie, elle permet de diminuer la production de glucose et de baisser le taux de triglycérides ; et au niveau des muscles, elle favorise l’augmentation de la pénétration du glucose. Comme pour l’autophagie, l’industrie pharmaceutique tente de développer des moyens d’administrer de l’adiponectine… alors que consommer moins de nourriture le permettrait tout autant.

Hormone de croissance

De manière générale, de nombreuses études montrent que le jeûne provoque une plus grande sensibilité à l’insuline et une meilleure régulation du glucose. Ce qui sera important à la fois pour perdre du poids et pour diminuer les risques de diabète. La sécrétion d’hormone de croissance est également accélérée. Une étude (de l’Intermountain Medical Center Heart Institute) a même montré que cette hormone est supérieure à la normale, de 2000 % chez l’homme, et 1300 % chez la femme, après seulement 24h de jeûne. Une autre étude (de l’Université d’Illinois) a montré qu’en 10 semaines, le jeûne intermittent permettait de diminuer la masse grasse et le poids total. Et qu’en plus, le taux total de cholestérol diminuait, tout comme le « mauvais » cholestérol (LDL). Le taux de « bon » cholestérol (HDL) restait, lui, inchangé. Le stress causé par le jeûne amène le corps à libérer davantage de cholestérol, ce qui lui permet d’utiliser les graisses comme source d’énergie.
Alors, comment faire ? Il y a plusieurs écoles : ceux qui préfèrent jeûner 24 h, de temps à autre ; ceux qui prolongent le jeûne de la nuit une partie de la journée, pour garder une fenêtre d’apport en calories de 8 à 10 heures, par exemple (1er repas de la journée vers midi, un 2ème vers 16h et un dernier au soir ; jeûne nuit et matinée, et entraînement éventuel en fin de jeûne, c’est-à-dire juste avant midi, pour favoriser les hormones de croissance). Enfin, il y a la méthode plus instinctive, qui consiste simplement à manger quand on a faim, sans se forcer à heures fixes. Dernière précaution : évitez d’aller courir seul (surtout en pleine nature) à jeûn. Ça peut être dangereux. Et même les chasseurs-cueilleurs chassaient en groupe !

Yves Patte

Sociologue de formation, Yves Patte enseigne en Belgique le travail social et l’éducation à la santé. Il est également coach sportif et nutritionnel. Le mode de vie paléo représente la rencontre entre ses différents centres d’intérêts : un mode de vie sain, la respect de la nature, l’activité physique et sportive, le développement individuel et social. Il publie régulièrement sur « http://www.yvespatte.com et http://www.sportiseverywhere.com »
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