L’homosexualité ou le pat du loup

Le printemps n’est décidément pas clément pour les chercheurs de sens. Après l’enquête bâclée de la télévision belge (voir ma lettre de la semaine dernière), c’est au tour de la presse française d’attaquer la biologie totale à travers Jacques Martel,  un psychothérapeute et auteur québécois. Son crime ? Avoir traité le thème de l’homosexualité dans son ouvrage « Le grand dictionnaire des malaises et maladies », laissant ainsi entendre que cette orientation sexuelle relevait de la psychopathologie. Publié il y a 20 ans et plusieurs fois réédité, ce best-seller improbable s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires dans toute la francophonie  et c’est seulement parce qu’une librairie FNAC de province  en a fait son coup de cœur du mois que le bouquin a attiré l’attention des médias. Non content  de faire rimer homophilie et maladie, Jacques Martel aggrave son cas puisqu’il suggère que l’homosexualité est un choix et que, par conséquent, les gays et les lesbiennes sont parfaitement libres d’y renoncer et d’opter pour l’hétérosexualité. Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’ire des associations LGBT et l’indignation des plumes bien-pensantes venues à la rescousse. Selon les défenseurs de ce qu’on appelle aujourd’hui les « minorités sexuelles », il est en effet scandaleux d’insinuer que l’homosexualité est une perte de santé et que cette dernière pourrait être surmontée par un effort de volonté. Pour paraphraser et inverser un slogan célèbre, on ne deviendrait pas homosexuel, on naîtrait avec cette attirance irrépressible pour l’autre sexe.

Vrai ou faux ? Ne comptez pas sur moi pour m’immiscer dans ce débat éminemment délicat. Au-delà de l’orientation sexuelle, la question de l’homosexualité interroge celles de l’amour, de l’identité et de l’intimité. Il faut beaucoup de prudence et de nuances pour en parler sans heurter les sensibilités des un(e)s et des autres. Je me limiterai donc à un constat : jusqu’à présent, la science n’a pas trouvé de gène, ni même de groupe de gènes auxquels elle aurait pu attribuer le caractère inné de l’homosexualité. La causalité génétique reste introuvable. En revanche, certains chercheurs pensent avoir identifié la genèse  de cette tendance dans une imprégnation hormonale du cerveau du bébé au cours de la grossesse.  Dès avant la naissance, le ou la futur(e) homosexuel(le) serait donc conditionné(e)(e) à le devenir pour des raisons de sécrétions glandulaires indélébiles. Mais qu’est-ce qui influe sur les flux de testostérone et  d’œstrogènes chez la femme enceinte ? Ce qui est soi-disant inné peut très bien avoir été acquis durant le séjour utérin, suite à un événement donné ou  à un ressenti particulier. Dans l’état actuel des connaissances, rien ne permet d’affirmer le caractère inéluctable et intangible de l’homosexualité. Elle n’est d’ailleurs pas  gravée  dans l’ADN ni dans le profil endocrinien puisque certains homos se découvrent leur penchant sur le tard et que d’autres, attirés depuis toujours par le même sexe, en arrivent à « virer leur cuti » dans l’autre sens pour devenir bi- ou hétéros. Décrit dans la littérature psychanalytique,  ce genre d’évolution est peut-être moins rare qu’on le croit.  En écrivant que l’orientation sexuelle relève du choix personnel, Jacques Martel ne fait jamais qu’en souligner la réversibilité potentielle et c’est lui intenter un mauvais procès que lui en faire grief.

Ceci dit, ne comptez pas sur moi non plus pour plaider la cause du psy canadien et vanter son travail. À mes yeux, son « dictionnaire » est un livre médiocre qui ne mérite pas son succès, ni autant de publicité. Pourquoi ? Parce qu’il trahit copieusement l’approche dont il se réclame,  à savoir « la biologie totale des êtres vivants » enseignée jusqu’en 2008 par le Dr Claude Sabbah. Dès son premier cours, ce dernier mettait les choses au point et montrait métaphoriquement que le libre-arbitre humain est une illusion aussi grande que celle consistant à prendre le sommet d’un iceberg pour la totalité du bloc de glace. Nous sommes tellement téléguidés par notre cerveau animal inconscient, toute la partie immergée de l’iceberg,  qu’il est absurde d’accorder tant d’importance au néocortex,  la fine pointe de la montagne sous-marine perçant la surface de l’eau. Toutes nos maladies et symptômes, notre façon de fonctionner et jusqu’au moindre de nos comportements, trouvent leur source dans la (majeure) partie archaïque de l’encéphale et du tronc cérébral. En matière de sexualité,  théâtre de tant de pulsions et de fantasmes, il est d’autant plus  illusoire d’affirmer la primauté de la liberté consciente. Parler de choix à propos de l’orientation sexuelle est donc au minimum maladroit. En décoder le sens et la finalité est certes possible, et c’est ce que propose le décodage biologique. Mais Martel  s’écarte complètement de la biologie pour s’égarer, lui et ses lecteurs,  dans la psychologie. La psychologie, comme son nom l’indique, se cantonne aux problématiques psychiques des individus. La biologie, elle, va chercher  « la logique de vie » qui se cache derrière, autrement dit le programme vital qui s’est mis en marche à la suite d’un choc émotionnel. La démarche est très différente, voire carrément opposée car l’interprétation « bio » suppose d’oublier les tourments de la psyché pour réfléchir en terme de besoins et d’instincts animaux : en quoi tel ou tel comportement m’assure la survie ou celle de mon clan ?  Ici, en quoi l’homosexualité est-elle une réponse intelligente de la nature à une menace réelle ou virtuelle ?

S’il n’avait pas bafoué l’enseignement qu’il a sans doute distraitement suivi, monsieur Martel  aurait en effet pu énoncer une vérité cruciale : l’attirance pour un partenaire du même sexe n’est nullement une déviance par rapport  à un supposé  ordre naturel sur lequel les religions ont fixé des règles morales. Dans la nature, c’est même chose courante.  Au sein du règne animal, de nombreuses espèces manifestent, au moins provisoirement, des comportements homosexuels.  Que je sache, aucune espèce de mammifère ne va jusqu’à cohabiter et  à pratiquer la sodomie, mais une foule d’animaux s’adonne aux plaisirs du sexe et des jeux érotiques entre mâles ou entre femelles.  Par exemple la girafe ou le singe bonobo. Le cas le plus emblématique est celui du loup, lequel n’a généralement pas droit à l’hétérosexualité car la reproduction de l’espèce est réservée au chef de meute. Mais pourquoi l’ancêtre du chien subit-il cette privation sans broncher ? Et qu’est-ce que ça nous apprend  de l’homosexualité humaine ? Dans son approche pédagogique transdisciplinaire, Claude Sabbah accordait énormément d’importance à l’éthologie. Des séminaires entiers étaient même consacrés à l’étude de comportements animaux transposables à l’homme et susceptibles d’élucider ses problèmes médicaux. Beaucoup de maladies ont  en effet un équivalent anatomique ou  comportemental « normal » chez nos amies les bêtes, et leur observation peut grandement éclairer Homo Sapiens sur ses  propres (dys)fonctionnements  ! Au moment d’aborder l’homosexualité, le concepteur de la biologie totale ne manquait pas  de le rappeler et de raconter la vie sexuelle des loups. Au contraire d’un Jacques Martel, notre collaborateur Bernard Tihon a tout retenu de ces belles leçons éthologiques et les a fidèlement retranscrites dans son ouvrage en trois volumes « Le sens des maux », paru aux éditions Néosanté. Le chapitre traitant de l’homosexualité figure dans le premier tome et a pour titre « L’homosexualité ou le pat hormonal » . Eh oui, il est bien question d’hormones dans ce choix qui n’en est pas vraiment un ! Et le terme « pat » renvoie au jeu d’échecs car il y a bien une situation de blocage.  Dans son dernier livre,  LE BIODICO,  Bernard Tihon  nous offre un « dictionnaire abrégé du Sens des Maux » synthétisant très drastiquement sa trilogie. À l’entrée « homosexualité »,  il  résume en une douzaine de lignes les pistes conflictuelles à suivre et en quoi cette orientation sexuelle représente une solution  dotée d’un sens biologique décodable. À mes yeux, ce dictionnaire concis est bien plus éclairant que celui de l’ex-ingénieur électricien Jacques Martel et il mériterait amplement un pareil succès populaire salué par les libraires. De surcroît, son auteur manie la langue française avec suffisamment de finesse et de délicatesse pour ne pas froisser la communauté homosexuelle et ses soutiens. Sur le fond comme sur la forme, je trouve objectivement qu’il n’y pas photo et que la FNAC aurait pu s’éviter le tollé en choisissant mieux ses promos.

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