La nouvelle cohérence cardiaque

ARTICLE N° 65 Par Emmanuel Duquoc

En 2001, dans son ouvrage best-seller « Guérir », le docteur David Servan Schreiber décrivait pour la première fois en langue française une technique de contrôle des variations du cœur qui améliorait l’état émotionnel et la santé. Aujourd’hui, la cohérence cardiaque est pratiquée par des pilotes de chasse, des contrôleurs aériens, des sportifs et proposée par le CHRU de Lille dans le traitement du stress et de la dépression. Formé à ce puissant outil de régulation émotionnelle en 2011, j’ai été amené récemment à proposer une modification de la pratique. Je vous la livre en exclusivité.

Une femme, assise le dos droit sur un tabouret, observe le mouvement d’une bille sur l’écran d’un ordinateur. Sa respiration suit le déplacement de l’objet. Elle inspire lorsqu’il monte, expire lorsqu’il descend. Un capteur relié à l’ordinateur est fixé au lobe de son oreille, enregistrant en permanence ses pulsations cardiaques. Un logiciel mesure le temps écoulé entre chaque battement de son cœur et les traduit sous la forme d’une courbe. En l’occurrence, une courbe de cohérence cardiaque. Contrairement à ce que croyait la médecine jusqu’à une époque récente, le cœur n’est pas fait pour battre régulièrement. Le pouls est la moyenne d’un rythme en perpétuel changement. Dans l’état ordinaire, nos pulsations varient de manière chaotique. En cohérence cardiaque, ces variations deviennent amples, régulières, harmonieuses.

Comme une expansion dans le thorax

C’est à cette régularité des variations du rythme cardiaque que s’intéresse l’homme qui se tient assis aux côtés de la jeune femme. David O’Hare, médecin franco-canadien auprès de qui j’ai suivi ma formation de coach en cohérence cardiaque, commente la courbe de la jeune stagiaire : « À chaque fois que vous inspirez, votre cœur accélère. À chaque fois que vous expirez, il ralentit. En ce moment même, vous régulez l’activité de votre système nerveux autonome. » L’exercice se termine. La jeune femme affiche un sourire tranquille. « J’ai ressenti comme une expansion dans le thorax », raconte-t-elle. « À présent je me sens calme et bien réveillée. » Comme après un exercice de relaxation ? Pas exactement. La stagiaire ne s’est pas seulement apaisée. En trois minutes de respiration à un rythme précis, elle a induit une cascade d’événements physiologiques favorables à sa santé et ce, pour une durée de trois à six heures. « Le développement des neurosciences remet progressivement le cœur au centre du système nerveux autonome ! », s’enthousiasme David O’Hare. « Notre coeur participe activement à tous les processus impliquant les émotions et les sentiments. C’est un véritable cerveau ! » Les émotions en lien avec le cœur ? Ce qui était évident pour la littérature ou le cinéma fait désormais l’objet de l’attention des scientifiques. Sous l’influence de John Andrew Armour, chercheur québécois qui a étudié l’influence de cet organe dans la prise de décision, la neuro-cardiologie est devenue une discipline à part entière. Grâce au docteur Armour et à d’autres spécialistes du coeur, on sait que toute personne qui maîtrise son rythme respiratoire influence ses émotions. Par quel mécanisme ? C’est ce qu’étudie l’Institut américain Heartmath, découvreur de la cohérence cardiaque dans les années 1990. À chaque situation, pensée ou sensation, le cerveau émotionnel envoie un message d’accélération ou de décélération au cœur par l’intermédiaire du système nerveux autonome. Ce système a en charge toute la partie automatique de notre fonctionnement corporel et le maintien de nos équilibres internes. Il est composé de deux branches :
La branche orthosympathique qui accélère le rythme cardiaque et permet l’action, la fuite, le combat.
La branche parasympathique qui ralentit ce rythme et induit le repos et la récupération.

Le cœur n’est pas aux ordres du cerveau

Un exemple tout simple illustre ce fonctionnement. Si le téléphone sonne, le cerveau envoie un message d’activation sous forme hormonale au cœur qui accélère pour permettre de saisir le combiné à temps. À l’inverse, si une pensée relaxante ou même triste se présente, un message d’inactivation est aussitôt envoyé. Le cœur ralentit. Cette communication permanente entre cœur et cerveau est adaptative. Elle permet tout bonnement de faire face aux différentes situations de la vie. Or ce que l’Institut Heartmath a découvert, entre autres, c’est que le cœur n’est pas seulement un lieutenant aux ordres du cerveau. Il l’influence également. En accélérant ou décélérant, il active ou apaise les centres cérébraux émotionnels. « De nombreux rythmes biologiques sont automatiques », explique le docteur David O’Hare à ses élèves en cohérence cardiaque. « Le métabolisme de l’énergie, de la température et de l’élimination ainsi que notre réaction aux agressions sont sous commande du système nerveux autonome. Or la respiration est la seule partie de ce système à être accessible à notre volonté. C’est notre seule entrée mais elle est extrêmement efficace : En modifiant la respiration, nous entraînons d’autres systèmes à sa suite, à commencer par… le cœur. » Alors que son rythme varie ordinairement de manière chaotique, lorsque nous égalisons inspiration et expiration, il se met à suivre : ses accélérations et ses décélérations s’harmonisent ! C’est ce qu’on appelle la cohérence cardiaque. Or, du fait de l’influence du cœur sur le cerveau, cette cohérence cardiaque induit une régulation émotionnelle que l’on pourrait comparer à la relaxation… À quelques détails près qui font une énorme différence. En effet, parmi les diverses formes de cohérence cardiaque, il a été identifié une fréquence particulière appelée résonance cardiaque et dont les effets sont particulièrement profonds.

D’importantes modifications de la physiologie

Alors que l’état de relaxation semble se limiter au temps de l’exercice, l’état physiologique induit par la résonance cardiaque se prolonge plusieurs heures. Jusqu’à présent, on indiquait que la fréquence respiratoire qui la provoque de manière universelle était de six respirations par minute, d’où le terme « Respiration en fréquence six ». À la suite d’un grand nombre d’études, il avait été constaté que pour une majorité d’êtres humains, le fait de se tenir droit et de se concentrer sur sa respiration en inspirant profondément pendant cinq secondes et en expirant pendant la même durée non seulement induisait le même cycle d’accélérations-décélérations au niveau du cœur, mais augmentait également l’ampleur des variations du rythme cardiaque, entraînant des modifications de la physiologie favorables à la santé physique et émotionnelle et ce, pendant une durée de trois à six heures.
Ravi de cette facilité de mise en œuvre, je me suis appliqué dès 2011 à cet exercice respiratoire avec le projet de me former en tant que coach de cette discipline. Après six mois de pratique assidue, je me procurai le logiciel de cohérence cardiaque Heart Tracker afin de vérifier mon état de résonance et d’en faire profiter mon entourage. À l’écran, mauvaise surprise : pas de résonance cardiaque à l’horizon ! Le tracé des variations de mon rythme cardiaque en temps réel figurait une courbe de faible amplitude et de régularité médiocre, bien éloignée des schémas que l’on trouve ça et là sur Internet ! Un tracé bleu marine indiquait les moments où j’atteignais l’état de résonance cardiaque. Pendant les ¾ du temps de mon exercice, je n’y étais pas ! Malgré ma déception, j’invitai quelques personnes amies à tester le logiciel et à alterner des inspirations et des expirations de 5 secondes. Puis j’ouvris un atelier collectif pour pratiquer en groupe en suivant la méthode indiquée par David O’hare dans son livre : Maigrir par la cohérence cardiaque. Si la plupart de mes élèves entraient en résonance cardiaque et affichaient de jolies courbes amples et régulière, 20 % des pratiquants obtenaient d’aussi piètres résultats que moi : variabilité cardiaque en berne et difficulté à entrer en résonance. Plus gênant, les effets émotionnels n’étaient pas probants comme c’était le cas pour les bons élèves. Quant à moi, je n’étais plus seul…

Les cancres de la résonance cardiaque

Je contactai David O’Hare qui me répondit que cet écueil était fréquent chez les personnes ayant pratiqué la sophrologie ou d’autres méthodes de travail sur soi. Il fallait s’entraîner et persévérer… Mon logiciel me permettant de tester différentes fréquences respiratoires à la seconde près, j’essayais différents rythmes sans remettre en question le principe que j’avais appris selon lequel un cycle respiratoire complet doit être réalisé en 10 secondes. C’est ainsi que j’augmentai la durée de mes inspirations et diminuai d’autant celle de mes expirations, ou bien l’inverse. Peine perdue ! Aucun des mauvais élèves de la résonance cardiaque n’améliorait ses résultats. Finalement, je tentai une autre méthode. Je réglai le métronome de mon logiciel de manière à ce que les cancres de la résonance cardiaque dont je faisais partie inspirent pendant six secondes et expirent pendant 5 secondes, soit un cycle respiratoire de 11 secondes. Je testai mon nouveau protocole sur moi-même et sur les 20 % d’élèves qui n’entraient pas en cohérence cardiaque par le rythme officiel. Résultat : 100 % d’entrée en résonance cardiaque, une variabilité du rythme cardiaque et des sensations de bien-être accrues. Euréka !
Après avoir multiplié les essais et devant la réussite de mes tests, j’eus l’idée de proposer systématiquement le rythme 6 – 5 aux personnes qui venaient me consulter. Nouvelle surprise : le rythme amenait presque systématiquement une amélioration de la variabilité cardiaque comparativement au rythme officiel ! Au total, je testai 200 personnes et mes résultats furent toujours supérieurs ou au moins équivalents avec ma nouvelle respiration. Il y a quelques semaine, j’ai eu l’occasion d’exposer ces résultat sur un forum organisé par David O’Hare pour sa dernière promotion de coachs en cohérence cardiaque. Avec la bénédiction du spécialiste, chacun se mit donc à faire des tests de respiration 6 – 5. Les résultats confirmèrent ceux de mon expérience. Les échanges fusèrent jusqu’au moment où un des élèves mentionna une étude récente montrant que la respiration qui amenait la meilleure variabilité cardiaque correspondait à un cycle de 11 secondes (comme celui que je proposais) mais alternant des inspirations et des expirations égales de 5,5 secondes. Nouveaux tests, nouveaux résultats : À l’heure où j’écris, tous les participants à ce forum ont obtenu leur meilleure courbe de résonance cardiaque avec ce rythme. Une seule personne a remarqué se sentir moins bien qu’avec le rythme 5 – 5. Quant à moi, je bats mes records historiques de variabilité cardiaque. Tant mieux, car une variabilité du rythme cardiaque élevée est le signe d’une bonne santé.

Des sentiments de gratitude dans tout l’organisme

La liste des effets de la résonance cardiaque et de l’augmentation de la variabilité cardiaque qu’elle induit ressemblerait à un inventaire à la Prévert. De la méditation à la gestion du stress en passant par le traitement de la douleur, des maladies chroniques comme l’asthme et des addictions, alimentaires ou autres ; de l’entraînement sportif à l’accompagnement de la femme enceinte en passant par la préparation aux examens, les protocoles sont infinis et les résultats impressionnants chez ceux qui pratiquent régulièrement. C’est pour cela que diverses organisations se sont emparées de cet outil. En France, le CHRU de Lille forme des praticiens en gestion du stress par la cohérence cardiaque. L’armée de l’air l’a adopté dans le cadre de l’entraînement des pilotes de chasse, suivie par l’aviation civile qui a vu là un moyen efficace de faire baisser la pression des contrôleurs aériens. Des brigades de CRS ou des casernes de pompiers l’utilisent également. Pourtant, il serait dommage de limiter la résonance cardiaque aux seuls métiers à risque. Pour beaucoup, elle est devenue une pratique simple de régulation émotionnelle aux effets variés. Car les bénéfices en sont amplifiés quand celle-ci est couplée à l’activation intentionnelle d’une émotion positive comme la gratitude, l’amour, la confiance, etc. Envoyer des sentiments de gratitude et de reconnaissance dans tout l’organisme en même temps que l’on porte son attention sur sa respiration et sur son coeur active de nombreux mécanismes de régulation des émotions et par conséquent, de guérison. À l’inverse, la visualisation d’une situation stressante en état de résonance cardiaque induit une relativisation de l’événement, non pas par la pensée mais directement par les centres cérébraux émotionnels. C’est ainsi qu’après quelques semaines de pratique, l’une de mes élèves a enfin pris la décision d’entreprendre une formation après des années d’hésitation, qu’une autre a mis fin à un trac et que la troisième cesse d’être emportée par ses colères. Quant à la dernière, elle se sent moins frileuse et a baissé le chauffage ! D’ailleurs, elle a également moins envie de chocolat. Une bonne partie des pratiquants constatent eux aussi au fil des séances un recul de leurs comportements addictifs. Beaucoup déclarent se sentir tout simplement de meilleure humeur ou plus heureux, dotés d’une meilleure capacité de décision. Mais les effets les plus inattendus concernent l’entourage. « Je sens que je parviens mieux à apaiser mon enfant », m’a confié une jeune mère de famille. David O’Hare ,qui conseille de nombreux praticiens, raconte cette histoire désormais fréquente d’une femme qui commence l’entraînement à la cohérence cardiaque et veut inciter son mari à faire de même.
Comment le convaincre de venir ? Demande-t-elle.
Pratiquez régulièrement vous-même…
Quelques- jours plus tard, en consultation :
Mon mari est moins stressé et dort mieux ! Surtout si je pratique assise dans notre lit.
L’explication de ces effets multiples nous vient des neurosciences. L’état de résonance cardiaque est contagieux de par l’activité électromagnétique du coeur. Lorsqu’une femme enceinte pratique, son fœtus entre en résonance cardiaque. C’est ainsi que l’on peut pratiquer aussi… Pour les autres.

Les effets de la résonance cardiaque

La pratique régulière de la cohérence cardiaque a de nombreux effets favorables pour l’organisme authentifié par plus de 13 000 études scientifiques. Les plus souvent cités sont :
La réduction du stress, une meilleure clarté mentale et capacité de prise de décision,
L’amélioration de l’équilibre émotionnel et du sommeil,
La réduction du diabète, du cholestérol et de l’hypertension,
L’amélioration de l’immunité,
La régulation hormonale : baisse du cortisol (hormone du stress) augmentation de l’ocytocyne (hormone de l’amour) et de la DHEA (hormone anti-vieillissement), etc.
La régulation du poids.
L’augmentation de la variabilité cardiaque, marqueur de santé globale corrélé à l’espérance de vie.

Comment s’initier à la nouvelle résonance cardiaque ?

Technique de base. Pour bénéficier des effets de la résonance cardiaque à long terme, il faut s’accorder 3 à 5 minutes de respiration ample sur une série de cycles de 11 secondes, trois fois par jour : le matin au réveil, environ 4 heures plus tard et dans l’après-midi. Inspirer pendant 5,5 secondes puis expirer pendant la même durée. Pour cela :
Paramétrez un métronome sur 55 battements par minutes (il existe des métronomes en ligne),
Installez-vous au calme, le dos droit et vertical (soit assis, soit debout),
Concentrez-vous sur la zone du cœur.
Inspirez pendant 5 battements et expirez sur le même temps.
Si vous n’avez pas de métronome, inspirer sur 6 secondes et expirer sur 5 au son d’une trotteuse en comptant les battements est une autre option correcte.

Peut-on apprendre seul ? En théorie, oui, en utilisant la méthode ci-dessus. En revanche, les guides respiratoires en lignes actuels sont pour le moment paramétrés sur la fréquence six, soit des inspirations et expirations de 5 secondes qui n’amènent pas la résonance cardiaque chez tout le monde. Le seul moyen sûr de savoir si l’on entre réellement en résonance cardiaque est de le vérifier à l’aide d’un logiciel de biofeedback (*). Car la respiration n’est pas le seul critère : la posture et le mode d’attention influencent également la résonance cardiaque. Une ou plusieurs consultations permettent d’atteindre la résonance puis d’en améliorer la courbe.
Les limites. La résonance cardiaque est comme le brossage des dents. Pour être efficace, elle doit être pratiquée à vie ! En revanche, avec l’expérience, elle peut être mise en pratique à n’importe quel moment calme de la journée (pause café, file d’attente, etc.) ou être couplée à d‘autres activités (qi gong, assouplissement, visualisations) dont elle renforce les effets.

(* ) Le biofeedback est une technique visant à rendre perceptibles des phénomènes biologiques et des signaux physiologiques du corps dont on n’a pas conscience d’habitude afin d’apprendre à les contrôler de manière volontaire. Le biofeedback basé sur un électrocardiogramme permet de visualiser et de contrôler l’activité cardiaque.

En savoir plus
Lire :
« Cohérence cardiaque 365 », Dr David O’Hare, Thierry Souccar Editions.
Cet ouvrage résume les principes de la cohérence cardiaque et propose un entraînement au quotidien pour atteindre la résonance cardiaque sans compter sa respiration. On peut facilement d’adapter les exercices à la nouvelle cohérence cardiaque.
« Les 3 émotions qui guérissent », Emmanuel Duquoc, Thierry Souccar éditions. Guide pour associer Cohérence cardiaque et ressentis positifs au quotidien et améliorer sa santé émotionnelle.

Se former :
La société Emnergie propose des formations professionnelles au Québec, en Belgique, en France ou bien par vidéo-formation sur Internet.
www.emnergie.com

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