Éditorial-revue N°32

Déposer les valises

En dévoilant l’existence de l’inconscient, Sigmund Freud a infligé à l’espèce humaine une cruelle blessure narcissique mais lui a aussi légué la clé de la vraie liberté, celle de se savoir habitée par une autre instance psychique que la raison et de se savoir déterminée par son passé. Avec Françoise Dolto, une deuxième étape importante a été franchie : on sait désormais que « le bébé est une personne » et que le vécu périnatal du petit d’homme, davantage encore que son enfance, conditionne considérablement son destin d’adulte. Mais il y a un troisième grand nom dont la psychanalyse peut à juste titre s’enorgueillir, celui de Anne Ancelin-Schützenberger. Moins connue que les illustres fondateurs freudiens, cette brillante intellectuelle française mérite pourtant de les dépasser en reconnaissance pour son apport à la science : c’est à elle, en effet, que l’on doit la découverte essentielle du phénomène « transgénérationnel », autrement dit la mise à jour que le parcours émotionnel de nos ancêtres influence très fortement le déroulement de notre propre vie.

Aujourd’hui, c’est un fait bien établi puisque des chercheurs en ont apporté la preuve expérimentale sur l’animal : il suffit de stresser des souris pour observer, chez leurs descendantes, la transmission héréditaire de l’anxiété. Récemment encore, une étude américaine a mis en exergue que les phobies provoquées en laboratoire pouvaient se transmettre sur plusieurs générations d’animaux. Mais l’histoire retiendra que la créatrice de la psychogénéalogie avait déjà tout prédit dans son livre « Aïe nos aïeux » : chez l’être humain aussi, les événements qui ont traumatisé ses ascendants peuvent expliquer l’existence d’un mal-être et l’apparition de maladies ! Pour les initiateurs de ce que nous appelons, à Néosanté, la « nouvelle médecine du sens », c’est même devenu une évidence : de Claude Sabbah à Jean-Claude Fajeau en passant par Alain Scohy, Gérard Athias, Olivier Soulier ou Salomon Sellam, tous les médecins précurseurs ont intégré la trouvaille d’Anne-Ancelin Schützenberger à leur approche et préconisé de chercher dans l’arbre généalogique familial la source lointaine des pathologies, tant physiques que mentales. Alors que le Dr Hamer s’est toujours focalisé sur les conflits « déclenchants » qui affectent le patient peu avant l’apparition de ses symptômes, la grande majorité des « décodeurs » actuels s’intéresse également aux chocs psycho-émotionnels qui ont pu marquer son enfance, sa naissance, sa période de conception, voire la vie de ses parents, grands-parents ou arrière-grands-parents. Chaque mois, les articles de notre Cahier Decodages sont émaillés d’exemples montrant à l’envi que le transgénérationnel est une réalité clinique incontournable. Hommage soit donc rendu à la grande dame qui a essuyé les plâtres et les critiques de cette formidable avancée thérapeutique. Âgée aujourd’hui de 95 ans, Anne-Ancelin Schützenberger nous a fait l’immense honneur de répondre à une interview (lire page 12 à 14) où elle fait preuve d’une incroyable jeunesse d’esprit teintée d’un joyeux sens de l’humour. Rien que pour ça, ce numéro 32 de Néosanté restera gravé dans les annales !

Aucune famille, répète l’universitaire niçoise, n’est indemne de tragédie. Et lorsque le secret empêche de métaboliser les maux en les mettant en mots, de les panser en les pensant, même les drames légers peuvent s’avérer très lourds de conséquences pour les générations suivantes. Autrefois, il était plus convenable de dissimuler des événements honteux et la pudeur exigeait de cacher la souffrance. C’est dire si nous trimballons tous de bien pesantes valises ! Bien sûr, il en est de plus pondéreuses que d’autres. Dans sa pratique, la maman de la psychogénéalogie essaie de remonter jusqu’à la Révolution française et d’identifier les terribles séquelles de la Terreur. Les guerres, ainsi que les épisodes de famine et d’extrême pauvreté, sont un terreau fertile pour de futurs problèmes et handicaps. Ce qu’il importe de savoir, c’est que le temps n’arrange pas spontanément les choses. Au contraire, les praticiens ont souvent observé la non-cicatrisation de plaies émotionnelles très anciennes Un vécu particulièrement douloureux peut parfois « se biologiser » un ou deux siècles plus tard ! Assez mystérieusement, c’est toutes les quatre générations que les conflits non résolus ont tendance à se réactiver. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, certains paient le prix des deux guerres mondiales du XXe siècle. L’horreur des tranchées et les atrocités nazies pèsent toujours de tout leur poids ! Souhaitons donc que cette année de commémoration de « la grande boucherie de 14-18 » soit propice à l’allègement d’une telle hérédité….

Car le propre des valises, c’est qu’on peut les déposer ou les vider. Elles contiennent des programmes dont nos cellules peuvent se décharger par un travail de prise de conscience. Et le corps peut aider le cerveau à alléger le fardeau ! Durant sa carrière, l’ostéopathe Pierre Hammond, pionnier en France de la thérapie cranio-faciale, a repéré pas moins de 150 indices de déséquilibre corporel imputables aux mémoires transgénérationnelles. Dans l’article que nous publions également ce mois-ci (page 42 à 45), ce grand monsieur de l’ostéopathie nous explique comment leur déblocage aide à se délester d’un bagage qui n’est pas le sien. Vive la légèreté !

Yves RASIR

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