Présomption d’innocence des virus

Dès 1979, paraissait dans le numéro 5 de la revue « La Chimie et la Vie » (« Химия и жизнь »), un article très intéressant et instructif du Professeur K. G. Oumanski.

Cet article de nature à intéresser tout particulièrement les chasseurs de virus, car il s’intitulait « Présomption d’innocence des virus », non seulement n’a rien perdu de son actualité mais la situation que nous connaissons aujourd’hui, du fait de la lutte visant à libérer l’organisme de toute menace virale ou bactérienne, ne fait que mettre en relief sa pertinence. Il existe en Russe un mot, ubikvitarnost (убиквитарность), qui provient du mot latin ubique et signifie partout et en tout. Ce terme est entré dans le vocabulaire de la vie quotidienne à l’époque de la Sainte Inquisition, où l’on croyait à l’ubiquité d’une hérésie commune à tous, généralisée et indéracinable, comme une ortie. Il se fait qu’un tel concept se trouve être aujourd’hui de plus en plus associé aux virus.

Les virus ont été découverts par D. I. Ivanovski en 1892.. Depuis l’apparition de la virologie en tant que branche des maladies infectieuse, les virus ont été considérés comme un nouveau type d’agents pathogènes. On connaît à présent plusieurs centaines de virus différents qui tous sont considérés comme des parasites intracellulaires menaçant le bien-être, et même la vie, des autres représentants de la faune.
Le fait d’étendre la formulation initiale de ce problème à l’ensemble des personnes physiques humaines nous a amené à une logique de confrontation permanente avec des facteurs environnementaux. En outre, la notion d’agent pathogène, cause profonde de cette relation indésirable avec le virus, a donné lieu au développement de la théorie des maladies infectieuses, notamment en ce qui concerne les maladies bactériennes et parasitaires où l’organisme se trouve confronté à un ensemble de mécanismes immunitaires à bien des égards semblables à celui qui constitue sa propre protection antivirale.
En attribuant aux virus, dès la découverte de leur existence, un rôle destructeur entraînant la maladie, l’homme leur a déclaré une guerre sainte. Cependant, si nous gardons à l’esprit l’incontestable omniprésence des virus, leurs effets pernicieux doivent néanmoins être considérés comme une exception plutôt qu’une règle. En fait, nous sommes, ainsi que la nature qui nous entoure, complètement saturés de virus. Pourtant, lors des pires épidémies causées par de « méchants » virus, tel que celui de la poliomyélite, pas plus d’une ou deux personnes sur 100.000 (cent mille) n’ont été touchées. De même, parmi les enfants qui avaient contracté ce virus, un seul sur plusieurs milliers développait la maladie. Un rapprochement peut être effectué avec l’incidence de la maladie causée par le virus de l’encéphalite à tiques.

Il ressort de tout ceci un certain paradoxe : notre attention étant focalisée sur les seuls cas exceptionnels où le virus se transforme en maladie, les autres relations que nous entretenons avec lui perdent tout intérêt à nos yeux. La même remarque peut s’appliquer à notre manière de concevoir les relations des virus avec les animaux et les plantes.
Nous nous trouvons ici en dehors de toute logique. Si dans une ville comptant une population de 100.000 personnes se trouve un parasite ou un meurtrier, il ne nous viendrait pas à l’esprit de porter nos accusations sur les 99.999 personnes restantes. Aussi ne devrions nous pas considérer le fait que, dans la relation du virus avec d’autres représentants de la faune sauvage, on ne trouve pas un seul cas tragique et que quatre vingt dix neuf mille neuf cent quatre-vingt-neuf personnes sont, contre toute attente, demeurées en bonne santé ?
N’y a-t-il pas là quelque chose d’incroyable à ce que des « parasites » et des « meurtriers » soient non seulement omniprésents mais que nous, de même que la nourriture que nous mangeons et l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons, en soyons saturés sans que la vie (non seulement dans son sens étroit et anthropocentrique, mais en tant que biosphère planétaire) ne disparaisse mais, au contraire, ne cesse de croître et d’évoluer ? Cela signifierait-il qu’au niveau de la biosphère, le rôle des virus ne se limite pas à celui d’un Satan déclencheur de maladies ?

Chaque organisme a besoin d’une correction et d’une adaptation constantes dans ses relations avec l’environnement extérieur. Les mécanismes d’adaptation connus peuvent être divisés en deux types de base : l’action immédiate (extrême) et celle de longue durée. Les mécanismes d’action de longue durée ont pour but d’adapter l’organisme aux changements à long terme pouvant affecter son habitat, c’est-à-dire l’eau ou l’air où il vit, sa température, sa nourriture et ainsi de suite…
Les mécanismes d’adaptation extraordinaire trouvent leur application dans les systèmes nerveux ou endocriniens mais ces systèmes ne sont pas appropriés à une adaptation à long terme. En augmentant l’activité des nerfs du système endocrinien ou des mécanismes appropriés pendant une période trop longue, une réaction protectrice prolongée à l’encontre d’une agression à laquelle est soumis le corps finit par conduire à l’épuisement ou à la maladie.
Pour une adaptation à long terme, en fonction de changements des paramètres fondamentaux de l’habitat, l’organisme a besoin d’une reconstruction stable dans la transformation fonctionnelle d’organes dont l’activité est déterminée par le matériel génétique des cellules. En d’autres termes, les modifications intervenant dans la fonction des organes doivent être non pas de nature quantitative mais qualitative. Il est par conséquent nécessaire, dans ce cas, de modifier le programme de l’activité cellulaire en transformant le code génétique. Une manière possible d’opérer une telle transformation réside dans la faculté naturelle qu’a le génie génétique de trouver les éléments nécessaires dans la nature de saturation des génomes viraux.

Les virus n’étant pas, à proprement parler, des organismes mais plutôt des ensembles limités d’informations génétiques, ils ne peuvent avoir d’existence indépendante. Ce qui distingue particulièrement les virus des organismes est le fait qu’ils ne disposent pas de l’information génétique nécessaire à la synthèse des systèmes critiques qui, tels les systèmes responsables de la formation de l’énergie, caractérisent les formes de vie cellulaire. Les génomes relativement faibles des virus sont néanmoins en mesure d’effectuer des mutations et des recombinaisons, c’est-à-dire d’influencer le rapport et la combinaison des éléments à partir desquels ils sont sujets à transformation.
Qui plus est, le nombre de virus installés dans l’organisme est si impressionnant qu’ils peuvent y persister longtemps sous diverses formes, voire s’y intégrer, y compris dans l’appareil génétique. Aussi l’appareil génétique des cellules peut-il, en partie ou en totalité, consister en des combinaisons différentes comprenant à la fois les génomes de deux virus différents. Il est difficile d’imaginer qu’un organisme, en permanence confronté à un grand nombre de virus, devienne seulement la cible de leurs attaques et soit seulement forcé à se défendre. Le grand choix d’informations génétiques dispersées dans des combinaisons différentes s’avère, en fait, d’un grand intérêt pour l’hôte car cela représente pour lui une réserve inépuisable dans laquelle il peut en tout instant puiser l’information dont il a besoin sur moment. Une fois que les informations requises sont intégrées, l’organisme devient capable d’ajuster son fonctionnement aux nouvelles conditions environnementales.
De fait, l’existence d’un mécanisme analogue et de modifications fonctionnelles dues aux changements de l’environnement interne de l’organisme a été prouvée, au cours de ces dernières années, par la découverte du fait que les nombreux virus endogènes qui se forment parmi les cellules, représentent un flux d’informations génétiques échangées entre les cellules d’un organisme.

Le rôle des virus en tant qu’agents favorisant l’adaptation de l’organisme est confirmé par le fait qu’il existe des virus qui sont hautement spécialisés. Ainsi des études ont montré que le virus sigma constituait un facteur génétique susceptible de modifier la sensibilité de la mouche drosophile au dioxyde de carbone.
Les virus ont également un impact distinct sur la vie végétale. Ils sont à même de modifier l’activité des enzymes qui stimulent ou inhibent la croissance des plantes, l’augmentation ou la diminution de la photosynthèse, l’influence du taux de consommation d’oxygène ou de dioxyde de carbone sur le transport de l’eau et, par le transfert de substances dissoutes dans leur métabolisme, de modifier la couleur des plantes. Tout cela s’effectue en fonction de certaines modifications de l’environnement qui peuvent s’avérer extrêmement importantes pour la plante.
L’importance des virus en tant que facteur universel d’adaptation est confirmée par le fait que la multiplication à long terme de cultures cellulaires dans des conditions de laboratoire n’est possible que par l’intégration de génomes viraux dans le code génétique de ces cellules. L’activité vitale de ces cellules transformées ne peut s’exercer que s’il existe un système biologiquement stable. Par exemple, des cellules de tissus organiques de vertébrés qui, cultivées à l’extérieur, cessent de se séparer après 15 à 20 passages, deviennent capables de se diviser indéfiniment dès le moment où leur génome est inclus dans le génome de virus. Nous parlons ici d’une chose utile : la transformation de cellules (non malignes) qui acquièrent, par conséquent, la capacité de continuer à vivre, transformées de manière à maintenir la stabilité du système biologique au travers des nouvelles conditions environnementales. Autrement dit, les cellules se sont ainsi adaptées à un environnement nouveau.

Ainsi, les virus peuvent être un facteur permettant la correction de la relation de l’organisme aux conditions changeantes de l’environnement. Mais, dans la mesure où ces relations sont contrôlées par le système immunitaire, l’infection virale peut être considérée comme une maladie de la faculté d’adaptation qui (et non le virus lui-même) représente l’élément vital et à laquelle le mécanisme immunitaire oppose un « maître » (ou plutôt les défauts héréditaires ou acquis de ce système immunitaire). En d’autres termes, la présence du virus ne préjuge pas de la maladie mais plutôt d’un défaut du système immunitaire indiqué par l’omniprésence (ubikvitarnost) du virus. Il se peut que la démonstration la plus tangible du rôle adaptatif des virus réside dans l’existence de mécanismes particuliers qui organisent l’interaction du virus avec l’organisme et incluent les mécanismes très complexes de l’immunité. Cette complexité, non seulement dans la différenciation (ce qui nous est « propre » ou « étranger »), mais aussi dans la sélectivité (le « besoin » ou le « non besoin »), crée des conditions assurant la survie à long terme du virus au sein de l’organisme. C’est pourquoi les défauts du système immunitaire peuvent être responsables de violation du mécanisme d’adaptation et, par là, causes de maladies virales.

Mais qu’en est-il alors de la grippe, de la rougeole ou de la varicelle ? De toutes les maladies virales respiratoires qui se transmettent par la voie aérienne ? Les flambées les plus massives de ces infections, souvent présentées comme inéluctables, sembleraient réfuter tout ce qui vient d’être dit précédemment. Il y a toutefois lieu de rappeler que la limitation saisonnière commune à toutes ces affections respiratoires virales correspond clairement à des changements majeurs des conditions environnementales de l’habitat (automne, hiver et printemps). Il convient également de souligner que si ces épidémies ne respectent pas les dates du calendrier ni les points extrêmes de l’évolution environnementale, c’est qu’il y a justement, en ces moments, un besoin urgent d’ajustement de l’adaptation de l’organisme et, en particulier, de l’appareil respiratoire. Dans de telles conditions, les virus liés aux affections respiratoires constituent peut-être un facteur faisant partie de l’ajustement adaptatif de l’organisme. Cela ne contredit pas le fait que, dans un nombre limité de cas, cette restructuration s’accompagne de signes cliniques de la maladie. C’est ainsi que de nombreux processus reconnus tout à fait normaux, tels que l’adaptation à l’évolution des zones climatiques, peuvent ressembler à toutes sortes de maladies. On peut supposer que la totalité des symptômes des maladies respiratoires (même le nez qui coule ou la toux) constitue un processus, aussi approprié que nécessaire à l’organisme, de remplacement des cellules épithéliales des voies respiratoires supérieures par de nouvelles cellules dont le génome peut inclure une souche persistante d’un autre gène du virus de la grippe. Ce processus a évidemment autant pour but l’adaptation des voies respiratoires de l’organisme que l’immunisation à la nouvelle souche du virus. Il est en effet intéressant de noter que l’épithélium des voies respiratoires supérieures en question est renouvelé au terme d’une période relativement courte variant de six mois à deux ans et correspondant exactement à la fréquence individuelle de la grippe.

Il est par conséquent probable que ce que nous percevons comme l’invasion d’une infection respiratoire constitue seulement une phase d’un processus complexe d’adaptation de l’organisme humain au changement constant de la composition de l’air dû au fait que le taux de dioxyde de carbone de l’atmosphère a augmenté de 13% au cours des cent dernières années. Par l’histoire de l’ensemble de ses branches, la biologie nous donne à penser que la Nature est intrinsèquement rationnelle, harmonieuse et qu’elle recourt à des solutions universelles procédant d’une conception unifiée. Il suffit de considérer les principes universels à l’œuvre dans les gènes et le processus de reproduction des cellules, de même que l’universalité du stress et des mécanismes immunitaires (en réaction à des bactéries, des virus, des toxines, des substances organiques et inorganiques étrangères, etc.,…) Le virus représente un échantillon de ce summum d’universalité et d’uniformité que l’on trouve dans la nature vivante. Dans un espace infiniment petit, il concentre un programme de grande capacité en prévision de nouvelles mesures à prendre, ainsi que de puissants stimulants de transformation susceptibles de modifier fondamentalement l’action des cellules.

L’universalité et l’uniformisation des principes en vigueur dans la nature vivante font apparaître l’existence de deux principaux types de virus: les endogènes et les exogènes. En tant qu’agents d’adaptation, les virus peuvent être classés comme exogènes ou endogènes selon que leur sphère d’activité concerne l’environnement extérieur ou l’environnement interne de l’organisme. Les deux cas répondent cependant à un seul et même principe : l’introduction d’informations génétiques requises sur le moment par l’appareil génétique des cellules et la transformation adaptative des fonctions de ce dernier. A ce jour, une quantité considérable de preuves ont été rassemblées quant au rôle tenu par les virus dans le processus d’évolution. Les virus sont non seulement en mesure de modifier l’appareil génétique des cellules, c’est-à-dire l’influence de l’évolution verticale (hérédité), l’échange d’informations génétique entre les différents groupes organiques et la détermination de la transmission des caractéristiques génétiques au sein d’une même espèce. Mais, de manière horizontale, cette transformation génétique appliquée à un environnement en pleine mutation constitue également un puissant mécanisme d’évolution. Par ailleurs, cette mise au point continue de l’évolution comprend le développement de l’adaptation la plus précise de l’ensemble de la nature à un environnement de plus en plus complexe et en constante évolution. C’est ce qui, selon toute apparence, peut expliquer et définir que, dans une certaine mesure, la répartition et la prévalence prioritaire de certains groupes de virus dans différentes régions du monde sont en conformité avec des différences fondamentales parmi les caractéristiques biologiques des habitats spécifiques.

Les virus ne sont pas nuisibles mais, en tant qu’élément étranger à la faune, ils représentent au contraire une composante sans laquelle l’existence et l’évolution dela biosphère auraient sans doute été impossibles. Cette dernière remarque permet d’aborder sous un angle de vue nouveau la

question longuement débattue de l’origine des virus. Le seul fait qu’ils soient indispensables à une évolution stable de la vie et que l’évolution des organismes ne soit pas possible sans eux, implique que nous avons affaire à des éléments qui, par l’échange génétique, se trouvent à l’origine de la vie sur terre et ont toujours existé dans la biosphère. C’est, en fait, grâce aux virus que l’ensemble dynamique de tous les êtres vivants pu a se combiner en définissant l’harmonie du développement écologique.

Tout ceci permet d’aborder nombre de problèmes pratiques sous une perspective nouvelle… Il se peut que nous devrions renoncer à l’approche traditionnelle qui consiste en une combinaison de la stérilisation complète et de la suppression immunitaire pure et dure, et plutôt chercher à utiliser les virus pour créer un système durable d’interpénétration biologique ? D’une manière générale, la compréhension du rôle des affections virales en tant que pathologies d’adaptation supposerait un changement d’orientation clinique des moyens de recherche dirigés jusqu’ici uniquement contre les virus dans une perspective prioritaire d’impact sur le système immunitaire.

« L’opinion qui consiste à voir uniquement, dans l’omniprésence des virus, une source d’agents pathogènes, est encore fortement ancrée dans les esprits, bien qu’il y ait de solides raisons de rejeter ce dogme et de reconnaître le caractère non seulement utile mais nécessaire de ces virus. La première présomption d’innocencedes virus est déterminée par leur omniprésence. » (Fin de la citation). La confirmation de cette hypothèse se trouve littéralement transcrite dans le génome humain. En effet, selon l’académicien Lev Kisselev, professeur de biologie moléculaire et Président du Conseil scientifique de l’ambitieux programme russe « Génome humain », le génome humain serait rempli de fragments moléculaires d’origine virale. «Ces vestiges que l’on rencontrerait à chaque pas, ne représentent aucun danger pour l’homme. Nous avons découvert plus de cent, peut-être même quelques centaines de gènes qui nous viennent de bactéries. Ainsi, le génome humain constitue-t-il une collection de gènes véritablement humains comprenant tant des restes de gènes viraux que des gènes dérivant clairement de bactéries. On peut dire, par conséquent, que notre génome constitue, en quelque sorte, une mosaïque de gènes d’origines les plus diverses » (Voir journal «Время новостей» du 13-02-01).
Au sujet de l’utilité des virus, Marina Vorochilova, une virologue de premier plan membre correspondante de l’Académie des Sciences médicales de l’ancienne URSS ayant travaillé de longues années avec des académiciens tels que M. P. Tchoumakov et A. A. Smopodintsev, et dirigé le laboratoire d’immunologie et de vaccination de l’Institut d’Etude de la Poliomyélite, a écrit ce qui suit en 1983 dans un article intitulé « Virus contre virus » : « En examinant les résultats de la vaccination d’enfants contre la poliomyélite, nous avons constaté que certains virus utilisés pour le vaccin ne suscitaient pas la formation d’anticorps dans le sang. En nous efforçant de comprendre cela, nous avons réalisé que c’étaient les entérovirus de ces enfants qui occasionnaient cet état de choses. Des virus qui s’étaient installés dans les intestins de ces enfants dans les jours et même les heures suivant la naissance afin d’assurer la protection des enfants contre des parents pathogènes et améliorer la résistance de leur organisme aux nombreuses agressions extérieures… Lors des recherches effectuées sur le virus de la poliomyélite au cours des années 1947-1949, on a constaté que ce virus « dévorait » volontiers les cellules malignes. Vers 1967-1968, des études menées dans des établissements oncologiques de Moscou ont montré qu’après son introduction par la bouche, le virus du vaccin antipoliomyélitique se multipliait dans le tube digestif et les tissus tumoraux sans affecter les cellules saines et qu’en plus, dans des zones métastasiques éloignées, il remplaçait les leucocytes du sang. On est en droit de penser que leurs caractéristiques utiles étant révélées, de nombreux « virus orphelins » (terme utilisé par les scientifiques états-uniens pour désigner lorsqu’ils ne sont pas en mesure d’attribuer la cause d’une maladie à ces virus) ne seront plus seulement considérés comme des orphelins mais comme de véritables bienfaiteurs de l’Humanité… L’existence en nous de virus est utile et a une signification biologique générale importante.

Il semble par conséquent que les virus aient été en relation symbiotique avec l’homme tout au long de son évolution. Aussi, une attention particulière devrait-elle être accordée au maintien de conditions optimales pour une coexistence de l’organisme humain avec les bactéries qui lui sont bénéfiques ainsi qu’avec les entérovirus et les microorganismes saprophytes dont le rôle bénéfique dans la flore intestinale nous est connu. Soyons conscients du fait qu’un déséquilibre de l’environnement interne pourrait entraîner des conséquences très indésirables et, peut-être même, mener à l’émergence et l’évolution de nouveaux virus pathogènes ».
« Beaucoup de maladies sont en fait plus des maladies de l’adaptation, c’est-à- dire des écarts du syndrome général d’adaptation, qu’une conséquence directe de l’effet néfaste d’agents pathogènes » (Hans Selye).
«L’instauration de la biosphère a coïncidé avec le début du processus d’évolution en instaurant de cette manière différentes séries génétiques morphologiquement différentes » (V. I. Vernadsky).
O. V. Baroyan, Professeur d’épidémiologie réputé et membre de l’Académie des Sciences médicales de l’URSS a écrit dans son livre « Lois et paradoxes. Réflexions sur l’épidémie et l’immunité, le destin des scientifiques et leur œuvre» (Закономерности и парадоксы. Раздумья об эпидемиях и иммунитете, о судьбах ученых и их труде) paru en 1986 dans la collection Знание (Connaissance) :
« L’homme vit dans un monde peuplé de micro-organismes. Comme tous les êtres vivants, nos minuscules colocataires aspirent à être protégés de manière fiable et se battent pour leur place au soleil… L’existence de microbes très pathogènes ne constitue pas une fin en soi, sur la grande scène de la vie.
Est-il légitime, dans ces circonstances, que les plus riches tentent illusoirement de rechercher un avantage unilatéral pour une seule espèce au détriment de l’intérêt fondamental de toutes les autres ? Sachant que l’égoïsme biologique, qui détermine la vision que l’homme a de la vie seulement en fonction de son propre intérêt, aura, tôt ou tard, un prix à payer, peut-on dès lors continuer à fermer les yeux sur cette nécessité d’interdépendance ? N’est-il pas temps, en effet, de considérer tous les êtres qui peuplent la campagne avoisinante du point de vue vraiment plus large et plus juste de la biologie générale, et de mieux équilibrer leurs intérêts avec les intérêts profonds, intemporels et irrévocables de toutes les autres espèces vivantes de cette terre ?
Une période de temps relativement courte (entre 1880 et 1890) a suffi à l’étude de la biologie et de la morphologie de dizaines de bactéries pathogènes. Comme, pour beaucoup de chercheurs, il semblait que ces bactéries soient la cause incontestable des infections et, par conséquent, l’origine des épidémies identifiées, il n’y avait plus sujet à discussion ni à débat. En somme, il était clair pour eux qu’un micro-organisme perfide pénétrait bien dans un corps humain ou animal pour occasionner en celui-ci le processus infectieux stéréotype de la maladie infectieuse particulièrement aiguë et susceptible de causer une épidémie……De nombreux chercheurs ont cependant suggéré que les efforts visant à éliminer les agents pathogènes liés à un certain nombre d’infections constituaient la violation d’un équilibre écologique bien établi. En effet, l’élimination, même partielle, de certaines espèces de bactéries peut conduire à l’émergence de nouvelles qui, bien que n’ayant jamais été considérées par le passé comme des agents infectieux, pourraient chercher à prendre la place des espèces qui ont été repoussées……Pour la science, l’une des questions les plus urgentes demeure le fait de savoir s’il est possible d’établir une claire distinction entre les micro-organismes pathogènes et ceux qui sont sans danger pour notre organisme… »

(Article présenté par la doctoresse moscovite Irina Sazonova et traduit du Russe par P. J. Dunbar)

Docteur en sciences médicales de l’Université de Moscou et diplômée en nutrition de l’ Ecole de Santé Publique de l’Université d’Harvard, Irina Sazonova est professeur à la faculté de cardiologie de l’université des Sciences de la Santé de Géorgie (Etats-Unis).

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